Népal

Plus de photos de: Kathmandu, Kirtipur, Dhunche, Kharikhola, Pokhara, Teraï & Mahabharat.
Et puis les photos des budys.

Mardi 14 Décembre 2010:
J'ai du manger de la merde dans le resto chinois de Zangmu, j'ai le bide ballonné et je ne parviens pas vraiment à dormir finissant par me lever pour aller chier de l'eau alors que le jours est en train de se lever, super, me voilà de bonne humeur pour passer la frontière! On se rend à la douane et en descendant du 4x4 on se fait accoster par un Népalais avec une tête de Manu Chao qui va nous prendre en charge, 5000 roupies chacun! On fait baisser le tarif à 1000 roupies ; c'est déjà mieux même si le « vrai » prix est sans doute encore la moitié de ça. Tant pis, pas trop envie de batailler pour 5€, c'est quand même pas abusé pour aller jusqu'à Khatmandu. On présente les passeports puis nos sacs sont rapidement fouillés, n'ouvrant que la poche principale, les douaniers jettent un rapide coup d'œil aux bouquins que j'ai et ne voient même pas la casquette de flic que j'avais trouvé à Urumqi, je me demande ce qu'ils auraient dit s'ils l'avaient trouvée... ils me demandent quand même d'ouvrir la caisse du violon, au cas où une kalachnikov en plastoc dissimulée à l'intérieur ne serait pas ressortie au rayons X et nous voilà dans l'entre pays ; notre nouveau guide se promène librement et passe sans aucun contrôle. On traverse le pont qui nous amène de l'autre côté de la vallée et passé une pauvre grille toute rouillée on se retrouve dans une ruelle crado bordée de petites échoppes miteuses. Il nous fais signe d'entrer dans un bâtiment tout déglingué pour obtenir nos visas, quelle foire! Je remplis un papier en anglais truffé de fautes d'orthographes et demande ce que je dois mettre à « occupation » n'ayant pas de travail, mon guide me prend le stylo et griffone « single »... ok, je m'acquitte des 4000 roupies pour un mois aux gars derrière le comptoir qui collent les timbres et tamponnent à la chaîne sans avoir l'air de trop se soucier de ce qui se passe devant eux, c'est pas donné mais il y aura moyen de le prolonger pour moins cher une fois à Kathmandu. On charge les sacs sur le toit de la bagnole et on attend que la caisse se remplisse pour finalement démarrer deux heures plus tard entassés à 10 (3 à l'avant, 4 à l'arrière et 3 sur une banquette dans le coffre), avec une montagne de sacs sur le toit, techno indienne à donf'. Il n'y a plus de route mais un chemin de terre défoncé sur lequel on croise dangereusement les camions bariolés qui continuent de monter et arrivé au fond de la vallée, on se retrouve dans une végétation quasi-tropicale avec bananiers sauvages et tout le tralala ; les gens sourient, rigolent, ya des couleurs vives partout, on se croirait dans un éternel festival. Pendant ce temps c'est la guerre dans mon ventre et j'enchaîne les renvois au goût d'œuf pourri malgré la bouteille de coca que je viens de tomber. Les paysages himalayens sont sublimes et on traverse de nombreux check-points, montrant nos visas tout frais jusqu'à arriver au dernier où la voiture se fait fouiller de fond en comble mais pas les passagers ni les sacs arnachés sur le toit... Je ne mange rien à la pause déjeuner, mais refais une session pas glorieuse aux toilettes et on reprend la route à fond la caisse, notre chauffeur qui carbure à la Red Bull à l'air pressé d'arriver et conduit comme un ouf, il faut dire qu'ici c'est pas évident vu qu'il n'y a pas de code de la route, les gens conduisent comme bon leur semble avec une tendance générale à rouler à gauche quand il faut croiser un autre véhicule même si ça n'est pas systématique. Inch' Allah, on arrivera... Moi qui m'était dit que je pourrais peut-être louer un scooter pour aller me balader dans la vallée de Kathmandu, m'en voilà vite dissuadé, mieux vaut laisser faire ceux qui savent faire, même s'il ne savent pas vraiment mais au moins ils ont l'habitude et ici c'est tout ce qui compte. Je vois quand même que je ne suis pas le seul à ne pas être tranquille et apparemment on ne s'habitue pas comme ça à la conduite népalaise comme en témoigne le Tibétain qui étant guide touristique à l'habitude de voyager au Népal et se cramponne quand même à la poignée du plafond en faisant la grimace à chaque dépassement douteux. Le trajet dure, dure, on croise de nombreux camions qui ont tous des klaxons de fête foraine et pas mal de bus qui débordent de passagers, certains semblent en avoir autant sur le toit qu'à l'intérieur. Il commence aussi à me tarder d'arriver mais il me faudra encore attendre quelques heures pour être exaucé avec l'apothéose: l'entrée dans Kathmandu! C'est complètement fou, et comme je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre ne m'étant pas plus renseigné que ça, ben ça fait un sacré choc! On se retrouve pris dans des bouchons sur les grands axes en terre battue qui visiblement attendent leur couche de bitume, autant dire que la visibilité est très réduite entre les gaz d'échappement et le nuage dense de poussière. On se faufile tant bien que mal dans cette ville qui paraît être un immense chantier, de fragiles cabanes se tiennent sur les rives recouvertes d'ordures de la « rivière » qui doit contenir plus de jus de poubelle que de flotte.


On finit par se garer, Thamel n'est plus très loin, on finira à pied. On récupère nos sacs et on suit le guide Tibétain qui ne sait pas me dire où on se trouve dans ce dédale de rues sans noms. Heureusement un Français d'un certain âge qui passe par là et me voit galérer avec mon « Guide du routard » m'accoste et me montre où on est sur le plan, nickel, je nous guide jusqu'à bon port, juste à l'autre bout du centre-ville. En chemin on croise pas mal d'étrangers, jeunes baroudeurs, randonneurs ou vieux babas de la bonne époque en passant devant le nombre incalculable de magasins de fringues. L'hôtel est accueillant avec son petit jardin et sa terrasse sur le toit mais je suis épuisé et me met au lit après un magnifique passage sur le trône, ça change des chiottes à la turque.


Mercredi 15 Décembre 2010:
Grasse mat' & douche froide, mon ventre va mieux mais je suis affaibli par mon jeune de plus de 24h et je plane grave en sortant dans la cohue du Thamel de tout les jours. Je perche en passant devant les boutiques multicolores collées les unes aux autres, refusant les invitations de tous les chauffeurs de rikshaws (pousse-pousses népalais) et prenant garde à ne pas me faire bousculer par les mini-voitures taxi et les motos qui roulent klaxon quasi-bloqué. Une belle femme m'accoste en souriant, me demandant ce que je cherche et me demande de l'aider en lui offrant un thé. Elle me guide dans ce labyrinthe jusqu'à une gargote dégueulasse à souhait posée sur un bout de terre dans un recoin enserré par les immeubles environnants et dont les murs et le plafond sont faits en nattes tressées. On y partage le célèbre dhaal-bhaat servit sur un plateau en alu: un tas de riz, une flaque de lentilles et des miettes de poulet dans une petite coupelle. Elle fait son mélange à la main puis mange avec les doigts mais j'ai droit à une cuillère, allez, j'attendrai d'être un peu plus en forme pour en faire autant. Je mange sans vraiment d'appétit, je ne savais pas quoi manger de bon pour mon ventre, le riz c'est pas mal mais j'ai des doutes sur l'hygiène, néanmoins ça me requinque. Des jeunes qui sont à la table d'à côté me proposent du haschich que je refuse, et je discute avec Rensinlama, tibétaine exilée au Népal depuis 30 ans après un périple de 3-4 ans à travers le Tibet et l'Himalaya. Son mari est mort dans un accident de chantier il y a 7 ans et elle galère pour survivre avec ses 6 enfants de 9 à 28 ans dont bien que les plus grands soient mariés et autonome, les plus jeunes sont encore sous sa coupe. Elle m'invite chez elle, on plonge dans un trou noir bas de plafond, c'est un couloir sans lumière au bout duquel une cage d'escalier toujours sans lumière nous amène jusqu'à sa piaule au deuxième étage. Je la suis pas rassuré, si jamais ses fils venaient à me tomber dessus j'aurais l'air bien malin. Mais me voilà dans son petit coin, une chambre de pas 10m² sombre et crasseuse avec un coin cuisine très sommaire et un lit pour tout mobilier. On discute un peu et elle en vient à ses difficultés pour payer son loyer de 2500 roupies par mois et le risque de se retrouver à la rue si elle ne peut pas payer. Elle me demande de l'aider... Merde, je pourrais lui payer son loyer pour deux mois entiers avec les 50€ que j'ai dans la poche! Bon, je suis pas là pour sauver toute la misère du monde, je lui achète une de ses sacoches à un prix bien généreux et elle me montre sa photo du Dalaï-lama qu'elle a rencontré lorsqu'elle a séjournée en Inde pendant un an. Elle me propose de la prendre en photo, c'est pas évident avec le peu de lumière qui entre dans la pièce mais en jouant avec la fenêtre j'arrive quand même à quelque chose.


On redescend dans la rue et on se promène un peu puis on se sépare en se souhaitant bonne chance et à bientôt. J'achète des mandarines et des bananes et me pose dans une cour intérieure pour bouquiner mais je me fais vite accoster par une gamine qui me demande des sous. Je lui donne une banane vu que je n'ai pas de chocolat comme c'est la demande qui vient après l'argent et je me retrouve aussitôt entouré de gamins à qui je distribue tous mes fruits. Ils me demandent ensuite de les prendre en photos et je passe un moment à jouer avec eux. La première gamine ne lâche pas l'affaire pour autant et insiste pour que je lui donne des roupies. Un gars s'approche et me tape la discute un moment, il vient de la frontière avec le Tibet, il est sympa mais fini par me demander 10 roupies avant de me quitter en me souhaitant bonne chance. Je rentre à l'hôtel en rechopant des fruits à un prix probablement trois fois trop cher après avoir marchandé tout en continuant de décliner les propositions pour toper à fumer, welcome to Kathmandu!


Jeudi 16 Décembre 2010:
Je descend vers le sud en direction de Durbar Square que je traverse sans même savoir qu'il y avait un droit d'entrée et continue en errant un peu plus loin jusqu'à arriver à la « rivière », mince filet noirâtre dans lequel flotte un paquet de merde et sur les rives duquel s'entassent les détritus, ça pue, c'est dégueulasse, sous les poubelles, la plage! Comment ça l'eau n'est pas potable?!


L'odeur devient rapidement oppressante, je m'éloigne tandis que l'envie de vomir se fait de plus en plus présente et je passe devant une boucherie qui me fait détourner le regard: « faut pas laisser ça comme ça les enfants! ». Un Indien me tape la discute, il est arrivé à Kathmandu il y a deux semaines et m'apprend qu'il y a un festival aujourd'hui à Boddhanath. Il me propose de m'y amener comme il doit y retrouver sa famille et on embarque dans un rikikibus où les passagers s'entassent pendant que l'assistant chauffeur qui s'accroche à la portière à l'extérieur du véhicule s'occupe d'embarquer du nouveau monde en criant la destination à tout-va et d'encaisser les gens qui descendent. En chemin j'ai droit à une rapide visite guidée et lorsqu'on descend il me guide jusqu'à son bidon-ville non loin de la piste d'aéroport où de nombreux Indiens vivent sous des cabanes sommaires faites de bric et de broc. Il demande à un jeune de me préparer du thé et de me faire la discussion pendant qu'il va au toilette. Je commence à psychoter, il serait facile pour lui de recruter quelques potes pour s'occuper de mon cas, je préfère l'attendre dehors, au moins je me dis qu'il y aura moyen de fuir si je vois un groupe louche arriver mais il revient tout seul au bout d'un moment et m'invite à prendre place pour boire le thé fait avec l'eau pompée du puits qui est filtrée me dit-il. Je trempe mes lèvres pour lui faire plaisir pendant qu'on discute mais préfère ne pas boire plus. Il me raconte que sa femme est mendiante et que lui est cireur de chaussures ambulant, comme le jeune qui est avec nous, mais on lui a volé sa boite avec tous ses ustensiles à l'intérieur et il ne peut donc plus travailler ; je pourrais l'aider en lui achetant celle d'un ami à lui qui repart en Inde et vend la sienne 5000 roupies... il veut que je l'accompagne pour la voir mais je lui demande à ce qu'on aille au festival car je suis pressé (j'avance mon rendez-vous de dimanche à aujourd'hui pour m'aider à me tirer d'affaire). On entre dans l'enceinte et lorsque je lui demande où est sa famille, il me demande si je n'ai pas vu sa femme juste à l'entrée, soit disant qu'on serait passé devant elle... mouais, on fait le tour du stûpa sur lequel a lieu une cérémonie de moines bouddhistes et en ressortant il me dit que sa femme est retournée au campement! J'en ai marre de me faire balader, il me demande de l'aider en lui achetant de la nourriture, mais il me sors une facture à 1700 roupies, merde! Je lui dit que je veux bien lui payer un truc à 250 roupies (le prix d'une de mes nuit d'hôtel) mais pas plus et je finirai par le quitter en lui laissant un peu de liquide après qu'il m'ait aidé à prendre un minibus dans l'autre sens, voilà qui me servira de leçon. Il va falloir que je me méfie un peu plus des inconnus qui m'accostent même s'ils n'ont pas l'air violent et que le risque de se faire tabasser et dépouiller par la force parait très limité de par leur sens inné de l'humanité. C'est la galère et chacun survit comme il peut mais c'est normal et les gens gardent le sourire, pas de problèmes de dépressions ou de suicides, ils ont pas trop le temps de se poser des questions existentielles. De retour vers Thamel, je teste la bouffe locale en commandant deux petits trucs au hasard sur la carte d'un boui-boui et me voit apporter une coupelle de patates frites en sauce pas mauvaises et une autre de viande baignant dans le piment qui a un goût super suspect et que je ne finirai pas... un peu plus loin je trouve du fromage, du vrai: une belle tome au lait de buffle, trop de la balle, ça fait presque trois mois que j'en ai pas mangé et même s'il est un peu caoutchouteux c'est quand même trop bon!


Lundi 20 Décembre 2010:
Les putains de clébards ont foutu le dawa toute la nuit, j'ai pas trop fermé l'œil... Allez une petite douche froide pour me réveiller et Mr Kamaro est là pour m'amener à Kirtipur en taxi. On traverse le bordel ambiant de la capitale puis l'université qui se trouve au bas du village construit sur une butte et on entame la tournée des trois écoles où Kamaro veut que j'intervienne ; elles sont ouvertes tous les jours sauf le samedi mais je peux quand même venir y réparer les pc, super! La première est une école gouvernementale assez grande, il y a pas mal d'élèves et de professeurs avec des enfants qui ont de 3-4 ans à 15-16 ans ; j'y rencontre le directeur et le professeur d'informatique avec qui je devrai travailler pour remettre certains pc en état. On m'apprend que demain est un jour férié, apparemment y en a tout le temps... et que les vacances commencent le 30 décembre mais les enfants continuent de venir à l'école où on peut enseigner sport et musique. On va ensuite à l'école supportée par l'asso' « Ecoliers du Monde » qui est aussi une école gouvernementale mais beaucoup plus petite et visiblement sans trop de moyens, située dans un quartier miséreux où les gens passent leurs journées dans la rue à ne pas faire grand chose d'autre que jouer au cartes pour les hommes et faire des lessives et se laver pour les femmes. L'école a été créée il y a 28 ans mais le gouvernement étant très pauvre même les enseignants ont du mal à se faire payer... J'y suis accueilli par de grands sourires et on établit mon programme autour d'un verre de thé. N'ayant pas suffisamment de locaux, les élèves de 14 ans et plus ont cours de 6h à 10h puis cèdent la place aux plus jeunes qui y sont de 10h à 16h mais ça devrait changer à partir d'avril car l'asso' à permis la construction d'un nouveau bâtiment qui permettra d'avoir tout le monde en même temps. On va ensuite dans la dernière école où on est accueilli par un gars costaud en chemisette et veston noir à qui il ne manquerait qu'un cigare à la bouche pour croire à un mafieux sud-américain, bienvenu à l'école privée, on voit vraiment le décalage entre chacune des trois écoles, ne serait-ce qu'à l'uniforme des élèves. Mr Kamaro dit que cette école est bien pour la société et qu'il serait souhaitable que j'y intervienne aussi. Ouais, ouais, je prends la carte de l'endimanché et on verra plus tard, j'aime pas trop la façon dont il détourne l'aide que j'étais sensé apporter à une seule école et qui est de loin la plus nécessiteuse ; il s'en va en me souhaitant de passer un bon séjour. J'assiste à un cours d'informatique, une vaste blague, il n'y a pas d'électricité donc le cours se fait avec un bouquin et les élèves récitent le vocabulaire et les définitions apprises par cœur en se levant à tour de rôle pour prendre la parole. Au programme: le tableur Excel qui est remplacé par un tableau noir et des formules écrites à la craie... Quand vient l'heure de la sortie, je monte à l'arrière de la moto d'un jeune instit' avec tout mon bardas et il m'amène dans une maison très étroite sur 6 étages où je peux rester dans la salle du premier pour deux semaines, mon hôte n'est pas très amical mais il pourvoira à mes repas. Il n'y a pour tout mobilier que deux petits fauteuils dans un coin, un tapis au centre de la pièce et trois bouts de tissus pour s'assoir autour du tapis, pas de lit, les toilettes sont au rez-de-chaussée, pas de salle-de-bain... je m'habille chaudement car il y fait très froid. Ici la plupart des maison ne font que quatre ou cinq mètres de larges sur une longueur correcte et ils empilent les étages, au fil du temps lorsqu'ils ont réussi à mettre suffisamment d'argent de côté, ce qui fait qu'on se retrouve avec une immense cage d'escalier qui donne sur une seule pièce par étage. Pas facile pour le couple de vieux qui habite avec eux, une tante sourde et muette de naissance et son mari muet lui aussi. Les pauvres, ya pas idée d'habiter une maison où la cuisine/salle-à-manger se trouve au 5ème étage...



Mardi 21 Décembre 2010:
Je fais un tour dans Kirtipur histoire de visiter.




Mercredi 22 Décembre 2010:
C'est l'heure de l'assemblée quotidienne, une prof donne quelques coups au disque métallique qui sert de sonnerie et tous les élèves se mettent en ligne par classe. Certains vont chercher une grosse caisse, un madal (percu népalaise traditionnelle) ou un mélodica et après s'être espacés régulièrement, ils font quelques gestes d'aérobic au rythme du tambour avant d'entonner leur hymne national suivit d'une chanson bonus en anglais: « I like to be good, I like to obey my teachers, ... ». Après quoi un élève prend la parole pour raconter une blague mais comme il n'y a pas d'électricité, il n'y a pas de micro et on entend rien... C'est l'heure de rejoindre les salles, chaque classe se met en file indienne à la suite de la précédente et se rend à son cours après un tour de la cour de récréation en marchant au son du tambour. Belle démonstration, on se croirait à l'armée!


J'assiste à un cours d'anglais à propos d'un texte qui raconte qu'un homme avait deux femmes dont une lui avait donné deux enfants et l'autre ne parvenait pas à tomber enceinte. Ça la rendait tellement malheureuse qu'un jour alors qu'elle pleurait toutes les larmes de son corps, un pot d'huile se mit à lui parler et lui dit qu'elle aurait un enfant. Aussitôt dit aussitôt fait la voilà enceinte et elle met au monde le plus beau bébé qui soit. L'autre femme très jalouse espionne son mari lorsqu'il rend visite à la nouvelle mère et apprend ainsi que c'est un pot d'huile qui lui a donné l'enfant. Elle décide alors de tuer ses deux enfants qui n'étaient pas bien beaux et attend son tour devant le pot d'huile, mais rien ne se passe et elle est vite prise de remord d'avoir tué ses deux enfants car s'ils n'étaient pas bien beaux, au moins ils étaient siens. La morale de l'histoire est qu'il ne faut pas être jaloux de ce qu'ont les autres et se contenter de ce que l'on a! Je reconnais bien là l'esprit népalais. Le cours est terminé, ici les élèves enchaînent des cours de 40 minutes, une durée qui permet aux enfants de rester concentrés sans trop se dissiper sur toute la durée de la leçon. En tout cas on voit bien que les parents leurs enseignent les bonnes manières, ils sont bien éduqués quant au respect des adultes qu'ils écoutent sans discuter et les profs n'ont pas à passer leur temps à faire la police. Je discute avec la prof qui n'a pas de groupe pendant le créneau suivant tout en regardant avec amusement la jeune enseignante qui s'occupe des petits de 5 ans: elle tient une bassine sur sa tête et au signal les enfants doivent la remplir en lançant toutes les balles qui sont à ses pieds. Au signal c'est une joyeuse pagaille qui s'abat sur elle en une pluie de balles qui volent en tous sens n'atteignant que très rarement leur but. A côté le chantier du prochain bâtiment avance petit à petit. Il faut dire qu'il n'y a pas énormément de main d'œuvre et pas masse d'outils, trois hommes creusent à la pioche et remplissent ensuite des paniers que trois femmes portent sur leurs dos pour aller les vider derrière le muret où deux autres hommes sont en train de remplir un camion-benne à la pelle! Ils sont tous en claquettes et les femmes doivent faire des pauses régulièrement pour allaiter leurs nourrissons qui jouent dans les gravats en attendant la tétée.


Quand vient l'heure du cours suivant, la prof m'amène dans un des bâtiments qui se trouvent à l'extérieur de l'enceinte, dans le terrain en pente de l'autre côté de la route. Je commence par une discussion en anglais en leur présentant mon pays tout en répondant aux questions des enfants puis on sors faire un jeu sur le bout de terrain aplanit qui ne fait que quelques mètres de large. Pas évident de s'improviser « joyeux animateur », je manque cruellement d'expérience et heureusement que la prof est là pour m'aider, m'enfin ça fonctionne pas mal et les enfants se régalent. Shidi, mon hôte, vient me voir et me dit d'aller voir le cuisto qui m'a préparé à manger mais qu'à partir de demain je devrai prendre le déjeuner chez lui de bon matin avant d'aller à l'école. Le petit' déj' qui consiste en une tasse de thé se prend à 6h, puis le dhaal-bhaat du déjeuner se prend à 9h et il faut ensuite prendre son mal en patience à l'aide d'un snack vers 1h de l'après-midi pour attendre le dhaal-bhaat du diner entre 19 et 20h. Je me rend à l'école de Gorakhnath en début d'aprèm' où le dirlo me dit que vu qu'il y a de l'électricité je ne ferrai pas cours de sport mais je vais plutôt m'occuper de voir ce qu'on peut faire avec leurs vieux pcs. C'est comme ça au Népal, la vie est rythmée par les coupures d'électricité et tout s'organise en fonction des heures de la journée et de la nuit où on a « la lumière ».


Samedi 25 Décembre 2010:
Je retrouve Makhamal, le directeur de Gorakhnath School, de bon matin et il m'amène au temple de Chobhar à quelques kilomètres à pied. Il connait la plupart des gens qu'on croise et ne cesse de lâcher des salutations sans s'arrêter pour autant, l'un d'eux me lance un « Happy Christmas ». On marche un moment et une fois arrivé au sommet de la colline il me dit qu'on arrive tard, la plupart des gens viennent plus tôt et certains y viennent même dans la nuit à 3h du mat'.



Dimanche 26 Décembre 2010:
Je vais à l'école à 7h et en attendant que tous les enfants soient là Mina nous prépare le thé avec un réchaud à mazout qu'il lui faut pomper pour faire monter le jus et obtenir d'immenses flammes. A 8h on quitte l'école, tous les élèves en file indienne, mais c'est de courte durée car au premier carrefour chacun prend le chemin qu'il souhaite pour se rendre au Naya Bazar où on attend le bus pendant une bonne demi-heure dans le froid matinal. Il finit par arriver et tout le monde prend place, certains gamins étant à quatre par banquettes, mais le trajet se fait dans le calme. Une heure plus tard on débarque à Sanga et on traverse le village pour atteindre un replat où on établit notre campement avant d'aller voir l'étincelant « World Tallest Shiva » qui veille sur la vallée de Kathmandu du haut de sa grosse centaine de pieds de haut et qui a été installé récemment dans cet endroit agréable.


On revient ensuite à notre aire de pique-nique où ils me demandent de jouer du violon, je leur fais quelques morceaux, puis ils enchainent avec des chants népalais & newaris en s'accompagnant du madal et se relaient à la percu pour booster les chansons. Je me fais entraîner par une instit' au centre du cercle formé par les élèves où elle m'initie à leurs danses, ça va c'est pas trop compliqué même si je dois avoir l'air assez ridicule, il suffit de se trémousser en rythme avec les bras en l'air en moulinant des poignés, ya juste pour les pas que c'est pas vraiment naturel, en tout cas ça fait bien marrer les enfants. Les profs se lâchent pour le plus grand plaisir des élèves qui ne cessent de me dire de continuer.


Finalement la pause breakfast que nous ont préparé les daily cooks suspens la session. Le repas est fameux avec leur espèce de pain frit et tout le monde mange assis sur le carré de moquette.


On va ensuite se promener dans le village et les élèves sont ravis de me taper la discute en anglais tout au long de la balade, notamment les plus âgés qui ont 16 ans avec qui je passerai pas mal de temps. Ils ne cesseront de me demander de les prendre en photo tout au long de la journée en se régalant de se pourrir les prises les uns les autres ou de faire les pitres.


De retour à notre aire, on enchaîne avec des jeux et des danses. Après une délivrance et  1 - 2 - 3 soleil, je leur montre le brise-pied, d'abord sans musique puis je prends le violon et joue tout en les guidant. Ils choppent vite le truc et je fais varier le rythme, ça les amuse bien et ils me demande de jouer toujours plus vite, quitte à ce que ce soit le bordel, mais c'est là qu'on se marre. Je leur propose ensuite la polka mais ça ne leur plaît pas vraiment, « another dance, it's borring », ok, en avant pour le cercle circassien! Là encore je commence sans la musique, mais rien que le fait de se mettre en ronde et d'avancer tous ensemble vers le centre leur plaît énormément. Bonne surprise lorsque je commence à chanter en la-la-la pour qu'ils comprennent mieux l'enchaînement des mouvements, ils se joignent tous à moi dans de grands éclats de rire tout en tenant le rythme sans mélodie mais c'est pas grave. Je passe ensuite au violon, on fait quelques essais et ça tourne pas trop mal sauf qu'on ne parviendra pas à enchaîner deux tours, pas de problème, ils se seront quand même bien régalés. On termine la séance par une rapide initiation au violon pour les quelques curieux qui sont ravis de faire grincer les cordes mais je ne suis pas trop tranquille pour mon instrument et je ne tarde pas à le ranger lorsque les profs me proposent d'aller boire « some hard drink ». On va à la gargote d'à côté où ils achètent une bouteille de whisky, allez, allez, il commence à faire froid, il faut bien qu'on se réchauffe un peu. C'est du made in Népal pas mal du tout qui se boit carrément bien à sec, on discute d'un peu tout, ils sont sympa tous les trois, et le dirlo me dit que vu qu'aujourd'hui on a bien donné et qu'on est tous très fatigué, l'école sera fermée demain: « holidays »! Ben voyons, ça n'est jamais que la troisième fois en une semaine et puis c'est pas comme si on était en vacances pour un mois dans trois jours, en janvier il fait froid alors plutôt que de chauffer l'école chacun reste chez soi, « winter vacations » ; ils sont bons ces népalais! On se donne rendez-vous le lendemain pour passer la journée pépère tous ensemble et on redescend un peu éméché au lieu de pique-nique où les gamins sur-excités sont à donf' sur la musique et c'est un sacré bordel sur le carré de moquette. Ça saute partout, ça court dans tous les sens, ça crie et ça rigole à tout-va et on se joint à eux, ce qui ne fait qu'amplifier l'hystérie, c'est super drôle, on se jette des regards complices avec les trois arsouilles. C'est du pur bonheur et tout le monde se trémousse dans la bonne humeur alors que la nuit commence à tomber jusqu'à ce que la chute de deux instits sonne l'heure du départ dans un fou rire général. Le trajet du retour sera bien plus animé que l'aller, les gamins ne cessent de chanter en continuant de s'accompagner au madal et à l'arrière du bus élèves et profs sont debout à battre la mesure sur les sièges ou le plafond.



Mardi 28 Décembre 2010:
J'assiste à un cours de sport où les élèves jouent au jeu traditionnel importé d'Inde appelé « cow-cow », le dirlo me propose de participer mais j'ai pas vraiment envie de courir avec mon bide ballonné et je décline l'offre tandis que lui et le prof de sport prennent placent sur le terrain. Je présente ensuite mon cher pays à une classe bien curieuse qui me pose beaucoup de questions et je me retrouve à danser la valse au tableau après avoir chanté la Marseillaise, bah ouep, forcément... L'après-midi je vais faire faire du sports aux enfants de Gorakhnath: course en ligne, relais, jeu de l'horloge, ballon prisonnier, crocodiles & buffalos, ça marche pas mal, heureusement quand même qu'une des profs m'assiste en traduisant les explications et m'aide à gérer les gosses qui me prennent plus pour un pote que pour un instit', certains veulent refaire un jeu tandis que d'autres veulent passer au suivant et c'est vite la foire. Après l'école je me promène en faisant quelques rencontres sympathiques.





Mercredi 29 Décembre 2010:
Je passe la matinée à faire faire du sport aux élèves de Mangal School.


Je passe ensuite prendre mon violon et je vais à Gorakhnath School où je suis accueilli en grande pompe par les enfants qui me font la fête et me demande de leur faire faire des jeux et des danses. Je sors l'appareil pour prendre des photos du nouveau bâtiment comme me l'a demandé Marc et je me retrouve avec une ribambelle de gamins devant l'objectif: « One picture please! ». Allez, c'est repartit pour une longue session photo et je parviens à avoir ce que je voulais avec quelques superbes clichés en plus.



Allez, c'est pas tout ça, au boulot! Exercice rythmique et danses au programme. On finit en refaisant quelques jeux et les profs me disent que c'est l'heure de fermer l'école, c'est les vacances, les gamins sont ravis et me font un magnifique adieu en partant tout excités et heureux.



Sunita m'invite chez elle à la sortie de l'école pour prendre le thé avec ses deux petits frères qu'elle materne bien, les parents ne sont pas là et rentreront plus tard. Je les suis à tâtons dans le vieil escalier qui nous mène à la salle principale au deuxième étage qui n'est pas bien haut vu la hauteur des deux premiers. Au sol des tapis couvrent une partie de la terre battue dans le coin salon près des deux fenêtres qui laissent entrer le peu de lumière qui éclaire la pièce. Tous trois commencent par ôter leurs uniformes dont ils n'auront pas besoin pendant un mois et Sunita prépare le thé pendant que les deux frangins sortent leurs livres et cahier pour attaquer leurs devoirs, ils sont bien sérieux ces enfants.


Je sors la flûte pour les distraire un peu, puis les guimbardes qui les intriguent et qu'ils veulent essayer. On prend le goûter puis ils me demandent de jouer du violon et re-dansent le brise-pied, interpellant leurs copains par la fenêtre, nous voilà rapidement une petite dizaine.


Jeudi 30 Décembre 2010:
Je fais un tour dans une partie encore inexplorée au sud du village où je me fais inviter à jouer au ping-pong avec des jeunes qui me font ensuite visiter le coin qu'ils connaissent bien.



Vendredi 31 Décembre 2010:
A l'entrée du village je retrouve un élève de Gorakhnath que je croise sans arrêt et qui est là avec son petit frère et des copains à se réchauffer autour d'un feu.


Petite séance d'apprentissage de la guimbarde puis Prudent, le jeune du ping-pong de la veille, m'appelle et me donne rendez-vous au terrain de jeu. On fait quelques balles puis il me guide à travers la campagne jusqu'à des temples en compagnie de deux de ses copains.



Samedi 1 Janvier 2011:
Bonne année Yvan!! Je prend le p'tit déj' avec Sidhi tout en poussant un peu plus mon apprentissage du népalais puis on se rend à Mangal School pour la mission nettoyage des alentours. Après une brève répartition des tâches, chaque élève se munit d'un bout de bambou et monte tout en haut de la zone à nettoyer d'où ils s'affaireront pendant deux heures à faire descendre toutes les saloperies qui jonchent le sol.


Le thé est offert à tout le monde une fois le terrain dégagé, après l'effort, le réconfort, c'est pas parfait mais c'est déjà mieux, en même temps il faut bien en garder pour la prochaine fois... le problème étant que les habitants continuent à balancer leurs poubelles n'importe où et que le terrain se redégueulasse avec le temps. L'an dernier ils faisaient ce genre d'opérations chaque semaine mais cette année c'est la première fois qu'ils le font, y a du relâchement dans l'air mais les japonais qui sont venu faire « l'environment workshop » la semaine dernière on reboosté le truc. Le principal me fait ensuite visiter les environs à moto et on retourne au temple où j'étais la veille puis à l'aire de pique-nique construite en mémoire du fondateur du PCC. Je lui pause quelques questions sur le conflit avec les maoïstes mais il me répond vaguement. On continue notre route sur des chemins à travers champs pour aller à un lac sacré, le roi des serpent à son palais sous l'eau et les gens viennent pique-niquer où se promener tout en donnant à manger aux énormes poissons. On roule ensuite un bon moment sur une petite route à travers la campagne pour atteindre un temple très populaire, certaines personnes viennent d'Inde pour tuer quelques poulets en offrande au Dieu et passer la journée là.


Sur le chemin du retour on s'arrête à un monastère tibétain qui brille de toute sa splendeur. Des jeunes moines sont en train de jouer dehors, c'est leur jour de repos mais l'un d'eux nous fait visiter l'intérieur, visiblement neuf vu les couleurs éclatantes des peintures, où trône un immense bouddha doré.


On termine notre escapade par la brèche faite par je ne sais plus quel dieu afin d'assécher le lac qui remplissait la vallée de Kathmandu il y a fort longtemps, et ainsi créer la plaine où sera établie la capitale du Népal, non ce n'est pas du pétrole qui coule!


Le soir je suis invité à dîner par Rasman, le prof d'anglais de Gorakhnath School. On prend place dans sa cuisine temporairement sur le toit de son immeuble et on discute pendant qu'il fait la cuisine: « I'm not a good cook, but I like to cook » qu'il me dit, mais il s'en sort très bien. Ram Kumar, le prof de népalais, arrive et là trop bon, Rasman sort un bidon Castrol pour trinquer au raksi (eau de vie de riz artisanal), petit arrière-goût d'alcool à brûler, pas dégueux mais costaud! Ils insistent pour que je dorme chez eux mais je préfère rentrer, ce n'est pas loin et il n'est que 22h. Ils tiennent à me raccompagner au cas où il m'arriverait quelques malheurs en chemins et en arrivant à la maison, je trouve la porte fermée et toutes les lumières sont éteintes. Je sonne mais personne ne réagit, zouber! Je redescend donc et passe la nuit chez l'autre prof qui fait dormir sa femme de 24 ans dans le lit d'à côté pour me faire partager le sien.


Lundi 3 Janvier 2011:
Je vais donner les photos d'enfants que j'ai faites imprimer et me retrouve à faire la photo de famille de tous les habitants de la rue. En passant devant Gorakhnath, d'autres enfants me demandent de les prendre en photos, puis ils me demandent de prendre leurs parents mais ceux-ci sont réticents et ce n'est que lorsque je sors une photo sur papier en expliquant que je les ferai imprimer et les leurs donnerai gratuitement qu'ils se prêtent au jeu. Chacun apporte alors son bambin pour que je le photographie puis ils posent entre amis. Les gamins me harcèlent « One photo please! » et se rue sur l'appareil pour voir le résultat jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de batterie.



Mardi 4 Janvier 2010:
Je fais mon sac et monte prendre mon dernier dhaal-bhaat de la femme de Sidhi qui me donne double portion de riz et je laisse une photos de lui et sa nièce sur la table en leur faisant comprendre que je m'en vais, pas évident. L'oncle et la tante n'auront probablement pas compris ce que j'étais venu faire ici, ils étaient bien sympathiques tous les deux mais les pauvres ne connaissent pas le langage des signes et galèrent en permanence pour communiquer et même pour se comprendre entre-eux. Sidhi m'a même dit qu'ils n'étaient pas conscients qu'ils étaient sourd-muets, ou plutôt que nous pouvions parler et entendre, c'est pourquoi ils regardent nos lèvres lorsqu'on parle et essaient de nous imiter pour répondre, ne comprenant pas vraiment ce qu'ils font eux-mêmes... Je m'arrête pour donner les photos de la mission nettoyage au principal de Mangal School et lorsque je lui dis que je suis sur le départ il me dit d'attendre car il va me faire un tika (grains de riz enrobés d'une pâte colorée à l'aide de pigments qu'on applique sur le front). Il convoque quelques profs pour procéder à la cérémonie de façon quelque peu religieuse et chacun y va de ses grains de riz pour me décorer la face puis ils m'offrent un œuf dur avec un verre de raksi et une khata (écharpe) ; c'est la coutûme newarie qui porte chance aux personnes lorsqu'elles s'en vont.


Mercredi 5 Janvier 2011:
Je me dirige à pied vers Swuyambhunath en traversant un espèce de lotissement à la népalaise un poil bordélique puis la rivière toujours aussi propre dans laquelle une vache broute les poubelles. Je poursuis mon chemin dans un dédale de maisons et de champs, me dirigeant au feeling car il n'y a pas de rues, comme si tout avait poussé par-ci par-la de façon très désordonné.


Des enfants me demandent une photo alors que je passe devant leur maison et je suis invité à prendre place à l'intérieur où on m'offre une tasse de nouilles que je mange sans vraiment d'appétit, me méfiant un peu et un verre d'eau froide dont je ne bois que la moitié. Sarita et Tara, les grandes sœurs des enfants, me montrent leurs albums photos, dans la famille de militaires je voudrais le père, le fils et la fille!


On rigole bien et même si on ne se comprend pas autant qu'on le souhaiterait, on parvient quand même pas trop mal à communiquer entre leur quelques mots d'anglais et mon peu de népali. Je finis par prendre congé pour atteindre le site perché au sommet d'une colline où de nombreux temples sont illuminés par les derniers rayons de soleil tandis que les singes chahutent bruyamment, escaladant partout avec une aisance incroyable. Il est difficile de prévoir leurs réactions et s'est toujours un peu inquiétant d'en avoir un à près de soi.





Jeudi 6 Janvier 2011:
Je me rend à l'Immigration Office pour prolonger mon visa mais mauvaise nouvelle, c'est 120$ l'extension de 60 jours et y a pas moyen de négocier! Je continue ma promenade en visitant Patan et son musée.




Dimanche 9 Janvier 2011:
J'arrive un peu avant 8h au départ des bus pour me rendre à Dhunche où on me dit de patienter, puis lorsque je reviens et qu'on m'indique quel bus prendre, j'attends que quelqu'un s'occupe de sangler mon sac sur le toit mais voilà que le bus démarre, ben merde alors! Je gueule et monte mon sac moi-même puis saute du bus qui continue de démarrer pour aller récupérer mon violon et mon autre sac restés sur le trottoir et remonte sur le toit où quelques jeunes ont pris place là pour le long trajet qui nous attend, c'est vrai qu'on est bien ici, j'attache le sac et m'installe.


Bien qu'il faille quand même se cramponner et être attentif au branches basses et fils électriques qui pendent un peu trop, c'est pas si terrible que ça et on est aux premières loges pour profiter des superbes paysages que l'on traverse durant toute la journée, il n'y a que 80 km à parcourir mais la petite route du départ n'est rapidement plus qu'une piste où on ne peut rouler que très lentement et on galère à chaque fois que l'on doit croiser un véhicule. On s'entasse sur le toit au fur-et-à-mesure que des gens montent mais il faut régulièrement que tout le monde se serre dans l'habitacle le temps de passer les checkpoints de police. On finit par une ascension interminable à flan de montagne au dessus de précipices vertigineux sous les sommets enneigés pour arriver à l'entrée du parc national de Langtang.




Lundi 10 Janvier 2011:
Je trouve mon hôte Lokto qui me guide à sa ferme. On reprend la piste que j'ai emprunté la veille en sens inverse puis on prend un étroit sentier très abrupt qui descend quasiment en ligne droite à travers la jungle. Mes jambes commencent à tétaniser sous le poids du sac mais on continue de descendre jusqu'à arriver à sa petite cabane en forme de dôme couverte par une bâche. Deux jeunes sont là et nous servent un dhaal-bhaat qu'ils viennent de préparer dans une casserole noircie par la suie sur le feu de bois puis Lokto me dit qu'il doit retourner à Dhunche, il reviendra demain.


Je reste donc avec mes deux nouveaux compagnons, Krishna et Bishna, et nous voilà dans la jungle à guider les yaks à travers la végétation luxuriante, ça me rappelle les bons souvenirs de mon enfance à la ferme du grand-père mais c'est pas la même qu'avec les chiens dans les près plats d'Aveyron, les bêtes n'en font qu'à leurs têtes et les jets de bâtons et de pierres ne suffisent pas toujours pour les faire avancer dans la direction voulue. On trouve ensuite un coin au soleil pour se réchauffer un peu et on essaie de discuter mais c'est pas évident vu qu'ils ne parlent pas un seul mot d'anglais et comme il en est même de Lokto il va falloir batailler pour parvenir à se comprendre. Alors qu'on se retrouve dans un éboulis ils commencent à creuser pour trouver des racines qui ont une consistance gluante mais un goût pas dégueux. Je repère la plante et m'y essaie aussi, il faut pas mal creuser car l'espèce de patate qui est reliée à la plante via une mince racine est enfouie profondément. Heureusement la terre est super légère ce qui facilite grandement la tâche et je parviens à en sortir trois, bon elles sont pas énormes mais au moins je ne suis pas brecouille comme on dit dans le bouchonois. Alors qu'on remonte vers la cabane, ils s'arrêtent devant un pied de l'espèce recherchée d'une taille nettement supérieure à tous ceux trouvés jusqu'à présent et se mettent à creuser. Il faudra bien une heure pour déterrer l'énorme racine d'un mètre de long enfouie sous un rocher en dévers mais ça ne les effraie pas et ils se relaient pour s'enterrer de plus en plus profondément et parvenir à leur but.


Le soir je fais un peu de zik avec Krishna qui a un instrument à 4 cordes rigolo pendant que Bishna passe en revue son répertoire en filant des coups de téléphones complètement inutiles, ce doit être une sorte de sport national d'appeler les amis le soir quand on ne sait pas quoi faire pour s'occuper... On finit par se coucher chacun sur son matelas de sol sous une bonne couverture, la nuit va être fraiche.


Mardi 11 Janvier 2011:
Effectivement la nuit est bien froide et le réveil est glacial. Heureusement le feu est vite rallumée et un bon thé brulant nous réchauffe le corps. Krishna attrape un seau et va traire de quoi avoir un peu de lait pour la journée.


Après le dhaal-bhaat du matin on part tout les deux pour Dhunche en poussant à nouveau les yaks sur un étroit sentier qui monte dans la montagne.


On finit par les abandonner pour rejoindre le village où il m'amène à la maison de Lokto qui nous offre le thé avant qu'on aille se promener avec ses deux enfants à la sortie du village. De retour à la maison, je lui achète un khukri (prononcer coucouri), l'espèce de couteau ou machette selon la taille typiquement népalais que portent les militaires comme les paysans, l'élément indispensable pour vivre dans la jungle. Comme il n'y a pas plus à faire je commence à bouquiner la biographie de Prachanda (« The Valiant One »), le leader des Maoïstes, de son vrai nom Pushpa Kamal Dahal et issu d'une modeste famille de brahmanes. Inspiré par Marx, Lénine et Mao, il devient un communiste convaincu et militant, et lorsque les forces de l'ordre viennent le chercher au domicile familial où heureusement pour lui il n'était pas à ce moment là, il passe du côté de l'ombre et passera 25 ans à se cacher avec sa femme et à fuir ses poursuivants qui iront jusqu'à proposer une récompense de cinq millions de roupies pour sa capture mort ou vif. Il lance la rébellion qui prend de l'ampleur et engage la People's War qui durera 10 ans et fera pas moins de 13000 morts pour parvenir à être le plus gros partit à l'assemblée après des élections en bonne et due forme.


Jeudi 13 Janvier 2011:
On se lève au chant du coq qui passe la nuit perché dans un coin de la cabane avec son unique poule et qui se fait une joie de nous casser les oreilles alors qu'il fait encore nuit. On plie le campement et on déménage la cabane plus haut dans la montagne ; y a pas grand chose à déplacer, une fois tout plié le transfert est fait en deux voyages. Ça prend juste un peu de temps à cause des yaks qui ne vont pas vite et se dispersent à la moindre occasion, ce qui ne nous aide pas vraiment chargés comme on est.


La charpente est déjà prête, il n'y a qu'à tendre la bâche, étendre du feuillage sur le sol détrempé, déballer les affaires et défricher les environs qui sont envahis par des pieds de weed de bien 4 mètres de haut! Une fois bien installé je faire un petit tour de la vallée sur mon balai magique ;)



Samedi 15 Janvier 2011:
Malgré les inquiétants nuages qui se sont installés durant la nuit c'est jour de fête aujourd'hui, toute la famille s'habille bien et ils me font comprendre qu'on monte dans la montagne faire des offrandes à un Dieu et se laver les cheveux. Bon, je prend ma trousse de toilette avec ma serviette, la dernière douche remonte à une semaine, ça peut le faire. On monte jusqu'à la piste où on retrouve d'autres familles et on entame une longue ascension très raide.


Au bout de quelques heures de marche, on finit par arriver à une source sacrée bien perchée dans la montagne où chacun passe sa tête sous l'eau qui jaillit au bas d'une falaise avant de se faire étaler une noix de beurre sur le front et faire une sorte de prière. Un espèce de gourou fait une bénédiction en musique aux gens qui font la queue en attendant leur tour pendant que ceux qui sont déjà passé tendent des guirlandes de drapeaux à prière.


Vient ensuite l'heure du pique-nique accompagné de chants et de danses, le tout bien arrosé de raksi. C'est un spectacle fort en couleurs que tous ces gens bien habillés dans leur tenues multicolores qui font une ronde, les gars d'un côté répondant aux filles d'en face. Les habitants du voisinage ne cessent d'arriver et il commence à y avoir beaucoup de monde lorsqu'on entame le chemin du retour alors qu'il n'est que 3h de l'aprèm' et qu'on continue de croiser de nouveaux arrivants tout au long de la descente n'arrivant à la cabane que peu de temps avant la tombée de la nuit.




J'ai juste un peu de temps pour traquer les singes dans les alentours mais ils sont farouches et ne se laissent pas approcher. Je me suis bien amusé à les photographier, à vous de les compter maintenant.



Dimanche 16 Janvier 2011:
Il neige de bon matin et ça fait pas semblant, les flocons sont carrément des mini boules de neige! Je feuillette un livre d'école des enfants et tombe sur l'alphabet qui n'encourage pas vraiment à apprendre à lire et écrire.


Pas grand chose à faire alors Krishna profite d'une éclaircie pour m'amener boire un verre de raksi dans une échoppe à l'entrée du village puis on va rendre visite à sa famille qui vit dans une cabane à côté d'une petite maison en construction. Un bon thé bien chaud pour se réchauffer et nouvelles tournées de raksi. Ses parents sortent ensuite leurs plus beaux habits, les voilà habillés comme des princes et c'est partit pour une séance photos devant leur future maison.



Sur le chemin du retour on s'arrête à nouveau à l'échoppe boire un petit verre pour la route puis on prend le chemin du retour dans la nuit. On passe le checkpoint en chantant au clair de lune puis on attaque la descente à la lampe torche jusqu'à arriver chez lui, la cabane juste à côté de celle de Lokto où il ne me donne que deux petites couvertures de rien du tout pour dormir, la nuit va être rude. Je me fait mon cocon comme j'en ai pris l'habitude mais j'ai froid au pieds. Heureusement pour moi, alors que je me réveille au milieu de la nuit, un énorme yak est entré dans la cabane et s'est couché à mes pieds. « Ça t'embête pas qu'on se tienne mutuellement chaud? » Parfait, je colle mes pieds sur lui pour la fin de la nuit.


Mardi 18 Janvier 2011:
Je retrouve Buddha pour le p'tit déj' et on attaque la ballade en empruntant le sentier qui mène au fond de la vallée où on se retrouve au bas d'une profonde gorge, ya plus qu'à monter le long du petit sentier bien raide. Passé les 3000 mètres d'altitude je commence à sentir mon cœur galérer tandis que ça commence à être un poil difficile pour respirer et je ressens une légère défonce pas désagréable...


On arrive après quatre bonnes heures de marches à l'hôtel tenu par son oncle. C'est un drôle de type qui me pose pas mal de questions sur la France, mon voyage, ma famille, mes aventures sexuelles... les Népalais ne pratiquent pas la 69 mais c'est en train de changer avec l'arrivée des films étrangers. Il a une sorte de serviteur sourd-muet qu'il avait trouvé tout abrutit, complètement nu et à deux doigts de la mort dans la rue il y a vingt ans de ça, il l'avait recueilli, lui avait donné des habits et à manger et il s'était endormi pendant trois jours, le temps que son corps se remette en marche et digère le repas car cela devait faire plusieurs jours voire semaines qu'il n'avait rien mangé et un bon bout de temps qu'il survivait de pas grand chose. Il lui a montré comment aller chercher du bois et faire quelques autres tâches ménagères et maintenant il l'aide en échange d'un toit pour la nuit et de quoi se remplir le ventre quotidiennement. Je finis la soirée en bouquinant un livre de nouvelles népalaises au coin du feu. C'est intéressant de découvrir la vie cachée des Népalais racontée par l'un d'eux, me permettant de mieux comprendre leurs coutumes, la façon dont sont arrangés les mariages, la relation homme-femme au sein d'un couple, le mode de vie dans les ménages, le système des castes et le rapport inter-générationnel. Les liaisons cachées y apparaissent étonnamment courantes et le regard des autres démesurément important avec le fameux « que vont penser les voisins? »


Mercredi 19 Janvier 2011:
A l'aube, on se retrouve au dessus d'une immense mer de nuages qui s'étend à perte de vue. On commence à marcher sur le versant sud alors que le soleil n'est pas encore sortit de derrière les montagnes sur le sentier qui passe au milieu des bois et nous offre un beau spectacle lorsque les premiers rayons du soleil transpercent les branchages.


On passe sur le versant nord qui nous dévoile le mont Langtang à travers les arbres et dans un virage, voyant que la crête qui n'est qu'à quelques dizaines de mètres au dessus de nous est complètement dépourvue d'arbres, on quitte le chemin pour monter dans la neige jusqu'à la superbe vue à 360° sur les montagnes alentours et les maisons en pierre inoccupées, c'est de la grosse balle avec les lumières du matin!


On poursuit notre chemin en avançant lentement à cause de l'altitude qui nous essouffle mais pas de mal de tête. J'arrête pas de boire, quitte à pisser toutes les demi-heures, et on se retrouve à cours de flotte en arrivant à un spot où tous les lodges sont fermés et on doit casser l'épaisse couche de glace à l'intérieur d'un réservoir de flotte qui n'est fermé que par des pierres posées sur un couvercle en métal pour remplir ma gourde. L'ascension est de plus en plus difficile mais on progresse quand même à bon rythme en maintenant la distance qui nous sépare de la mer de nuages qui gagne rapidement en altitude. Il y a de plus en plus de neige mais ça ne nous décourage pas, au contraire, et on finit par arriver à une paire de stûpas d'où on distingue le premier lac complètement gelé.


On poursuit à flan de falaise jusqu'à notre objectif, le lac de Gosaikunda, où on se fait un énorme plat de riz aux œufs fris dans le seul lodge ouvert où quelques jeunes attendent désespérément un client pour lui cuisiner ce qu'ils peuvent vu que tout est gelé dans la cuisine, les patates ne sont plus comestibles, même le choux est difficile à couper tellement il est congelé... On va ensuite faire les zouaves sur le lac puis on continue jusqu'au col de Langbini qui est un interminable passage entre deux sommets qui ne finit pas de nous emmener toujours plus loin, de replats en replats, dans un vent glacial ayant formé de bonnes congères en travers du chemin. La vue sur la vallée suivante n'a absolument rien d'extraordinaire étant complètement bouchée par une autre mer de nuages mais celle sur le lac est stupéfiante!


Buddha me rejoint et je réalise en voyant sa triste mine et ses yeux bouffis que je n'ai pas fais attention et qu'il est gelé, merde, faudrait pas qu'il me fasse une hypothermie! Je lui file mes gants et une poignée de bonbons au miel et on attaque la re-descente. C'est vrai qu'il n'a qu'un tee-shirt, un sweat et son manteau à deux roupies et que si ça allait bien jusqu'au lac, je ne me suis pas rendu compte qu'il galérait grave dans le col, en même temps il ne m'a rien dit... Il passera quand même cinq minutes à essayer en vain de remplir une bouteille de l'eau d'une source sacrée qui se jette dans le lac et a soit-disant des vertus pour la santé mais forcément elle est gelée. Heureusement il a meilleure mine en repassant en dessous du lac et retrouve vite le sourire. On plonge dans les nuages pour arriver chez son oncle toujours aussi déconneur après avoir mis trois heures à descendre ce qu'on en a mis sept pour monter.



Jeudi 20 Janvier 2011:
En descendant, trois gamins me demandent des chocolats et comme je n'en ai pas, ils me demandent de les prendre en photos, ils sont marrants tous les trois, l'un d'eux ne sors pas les mains de son pantalon qui tombe et la fille est bien mignonne avec son charmant sourire.


Un peu plus bas je me fait interpeler par un jeune qui n'a plus de famille et a envie de discuter alors que je tourne autour d'une série d'anciens stûpas tout en pierre pas mal classes.


Un peu plus loin de jeunes filles chargées de gros fagots de broussailles débarquent sur le chemin et sont ravies de se faire prendre en photos, décidément ya du monde dans ces terrasses.



Vendredi 21 Janvier 2011:
Je monte vers la maison de Lokto et fait une pose pour suivre les gamins avec qui j'avais joué la veille qui m'invite à prendre en photo leur famille, leur cabane, leurs animaux.


Je leur montre comment jouer de la guimbarde et leur en offre une avant de prendre congé. Lokto n'est pas chez lui, je prend donc le chemin de sa cabane mais qui est-ce que je rattrape avec deux yaks chargés de riz? Lokto, Bishna et le fils ainé sont en route pour la ferme, ça tombe bien, je les accompagne et on retrouve son plus jeune fils et sa femme qui a préparé du riz pour le repas qu'on mange dans la cabane. On charge ensuite les yaks de bois et on reprend la route pour Dhunche. Je monte jusqu'à la route avec le jeune fils à la main puis prend un yak en laisse et c'est l'évènement lorsqu'on traverse le village, les habitants qui m'ont tous déjà vu quelques fois sont à la fois surpris et amusés de me voir mener les bêtes.


Après avoir déchargé et rangé le bois dans leur maison, on boit le thé avec du bon pop-corn maison en regardant « Shaktiman » et « Cap'tain Sir Number One » à la télé, c'est de la putain de daubasse, c'est pas croyable, et en plus c'est entre-coupé de pubs qui passent en boucle toutes les dix minutes.


Samedi 22 Janvier 2011:
Le bus démarre et s'arrête au checkpoint que je traverse pour la dernière fois. Pendant que je montre mon permis, un régiment entier en permission s'installe sur le toit, puis le bus redémarre et on reprend la piste sinueuse en sens inverse. Ça remue dans tous les sens mais je suis bien installé à l'intérieur en place assise. De plus en plus de monde monte à bord au fur-et-à-mesure que l'on avance, des femmes, des enfants et un vieillard s'entassent dans l'allée. Au bout d'un moment, l'allée est pleine à craquer et voyant le vieux galérer alors qu'on lui demande de se tasser encore plus, je lui cède ma place et monte prendre place sur le toit où je me retrouve avec le régiment de militaire en vacances. Le bon point c'est que leurs sacs couvrant toute la surface, on se cale assez confortablement par dessus et ça change des barres en fer de la galerie, en revanche comme on est sur-élevés, on est encore plus sujet aux fils électriques qui pendent ainsi qu'aux branches basses et ça fait bizarre quand on s'en prend une alors qu'on regardait sur le côté... enfin c'est un sacré cirque, deux jeunes filles qui ont pour le coup le malheur d'être jolies se font salement tripotées au milieu des rires des mâles en furie, mais si ça les dérange, elles ont l'air d'en avoir l'habitude, ça doit être chose assez courante. Je reconnais tous les paysages qu'on a traversé à l'aller et le trajet s'éternise. Finalement on nous fait tous entrer dans le bus pour les deux dernières heures de trajet et je cours prendre une bonne douche, la précédente remontant à deux semaines pile-poil, nouveau record! Bon je fais le malin mais ya quand même un bon paquet de Népalais qui me mettent quelques mois dans les dents, ya de la marge, je peux encore faire des progrès. Le retour a Kathmandu est assez oppressant de par la quantité de marchands ambulants, chauffeurs de taxis et rickshaws qui galèrent en cette basse saison où les touristes se font plus rares.


Lundi 24 Janvier 2011:
Je croise Rensin Lama qui m'amène à la bicoque que j'étais incapable de retrouver où on avait partagé un dhaal-bhaat lors de notre première rencontre et je lui offre un thé avant de continuer ma promenade vers le Durbar Square où je parviens à entrer sans payer. Je refuse la proposition d'un indien qui parle français et veut me servir de guide, il connait pas mal d'expressions genre: « Foux-moi la paix? Lâche-moi la grappe? », il est marrant.


Je retourne au boui-boui de Rensin Lama pour un dhaal-bhaat à un prix défiant toute concurrence et j'y fais la connaissance de Suresh qui bosse dans une ONG ayant pour but d'aider la survie de la musique traditionnelle principalement au Sarangui. En fait les népalais issus de la caste Ghandarba qui fait partie des intouchables vivaient autrefois en colportant les nouvelles et en jouant de la musique en échange de l'hébergement et de la nourriture mais ils sont voués à disparaître vu qu'ils sont devenus inutiles.


Mardi 25 Janvier 2011:
Je vais prendre un cours de sarangui après une nouvelle séance matinale de yoga. Je croise ensuite Rensin Lama que j'invite à manger et en rentrant à l'hôtel, je rentre dans un bâtiment qui indique qu'on peu se faire masser au premier étage: c'est 1500 roupies avec "zigue-zigue" et ya moyen de négocier, zouber...


Mercredi 26 Janvier 2011:
Je vais à Pashupatinath où des crémations ont lieu en continue en un spectacle assez troublant.


Je partage ensuite une pâtisserie avec les saddhus alors qu'ils m'invitent à prendre place avec eux et qu'un nouveau-venu me propose du thé en me tapant la discute. Il s'appelle Richard ou Bengali Baba et a vécu plusieurs année en Angleterre avant de revenir en Inde. Il est arrivé il y a deux mois à Pashupatinath où il restera jusqu'à Shivaratri. Comme le lieu est un des 3 temples les plus célèbres du monde dédié à Shiva, des milliers de saddhus viennent de la planète entière pour cette cérémonie. On discute de leur statut, du saddhu que j'ai vu au lac de Gosaikunda qui passait des mois dans sa cahute en pierre sans même un feu pour se réchauffer et où il y en aurait un autre qui vivrait dans un trou qu'il aurait creusé dans la terre.


Lui est très content de la vie qu'il mène, c'est une vie simple qui ne demande pas énormément d'effort si ce n'est celui du renoncement. Les gens leur donnent un peu d'argent et de la nourriture, ils n'ont plus qu'à prier, méditer, fumer la ganja qui augmente la connaissance selon l'exemple de Shiva dont un des multiples noms est Pashupati. Il m'explique le fonctionnement de l'hindouisme et son histoire décrite sur une belle fresque peinte sur les murs de l'enceinte du temple de Rana dans lequel vivent tous les saddhus, puis il m'y fait entrer et je me retrouve dans la cour intérieure avec le temple au centre et des sortes de coursives sur tout le tour où chacun d'eux à une place pour dormir. Il me montre celui qui est responsable du site et m'explique que chaque saddhu a un professeur ; une école dans le bâtiment d'à côté enseigne le sanscrit aux enfants dont les astrologues ont décelé que l'avenir n'était pas écrit et qui sont alors donnés par les parents pour être éduqué à assurer la relève. Il y a également des saddhus femmes, comme en témoigne le couple de saddhus qui vit ici, mais d'autres se font couper le nerf du pénis, rendant toute érection impossible, ce qui leur permet d'atteindre un niveau supérieur.


Jeudi 27 Janvier 2011:
Je retourne chez Sarita où je suis à nouveau bien accueilli et je rencontre un de ses frères qui est sourd et avec qui je communique à l'écrit. Déjà que l'anglais des Népalais n'est généralement pas bien terrible à l'oral, je vois que c'est pire à l'écrit. Néanmoins on se comprend et ils insistent pour que je reste dormir, Sarita cuisine un superbe dhaal-bhaat puis on finit la soirée serrés les uns contre les autres autour d'un mini feu dans une grande soucoupe en métal posée au milieu de la petite terrasse. Avant d'aller se coucher, la mère me demande par l'intermédiaire du fils sourd si je veux me marier avec Sarita... euh, comment dire... je décline la proposition autant poliment que possible et m'endors dans le lit au pieds de la jeune fille concernée.



Dimanche 30 Janvier 2011:
Je discute avec le patron de l'hôtel qui se plaint du bordel qu'est la vie au Népal, les deux heures d'électricité de la nuit n'ont pas suffit pour recharger la batterie ce qui fait qu'il n'y a plus de jus jusqu'à la reprise du courant. Entre l'électricité vendue à l'Inde, le manque d'eau et le fait que le gouvernement n'avait pas anticipé la croissance des besoins qui est très important en raison du fort exode rural, la situation est assez critique, la guerre civile n'ayant pas aidé à œuvrer pour solutionner le problème. Il était à Kathmandu à ce moment là, la tension était palpable de par les manifestations et les nombreux contrôles pour circuler mais autrement il ne sait jamais senti en danger. Maintenant le contrat de l'ONU n'ayant pas été renouvelé, ils sont repartis après être intervenu pour gérer le désarmement de l'Armée Populaire de Libération et engager un processus de paix mais leur absence ne devrait pas changer grand chose car en raison d'importants différents politiques, les partis ne parviennent pas à s'entendre pour nommer un premier ministre et finaliser la nouvelle constitution... Sinon il est exaspéré par le chantier devant l'hôtel qui dure depuis quatre ans mais n'avance que par période, dès qu'ils ont de l'argent ils rajoutent un étage sans finir ceux d'en dessous et le bâtiment est fait un peu n'importe comment.


Lundi 31 Janvier 2011:
On prend un taxi pour la gare routière où on trouve rapidement notre bus et on prend place dans la cabine à gauche du chauffeur qui démarre bien à 6h. Il roule comme un fou furieux les premières heures, tant que la route qui remonte vers le Tibet est « bonne », avec un cd de zik indo/népalaise qui tournera en boucle toute la journée. On fini par bifurquer pour monter dans les montagnes sur une toute petite route par laquelle on arrive à Jiri à 13h après quelques croisements difficiles et de là on part à l'aventure sur un chemin défoncé qui monte, qui descend, qui tourne dans tous les sens avec de nombreux virages en épingle parfois très serrés, et des passages gadoueux où plus d'une fois il faut faire marche arrière et si reprendre à plusieurs fois et on finira quand même par mettre pied à terre pour pousser le bus qui s'est enlisé et refuse d'avancer ou de reculer. Une fois sortis de là on continue toujours cahin-caha à tanguer sur le chemin, craignant parfois de chavirer mais le chauffeur assure comme une bête et c'est au bout de 12h de route, alors que la nuit commence à tomber, que l'on arrive à Bandar. Bien fourbus par le voyage, on se pose dans un lodge recommandé par le chauffeur et son assistant avec la sensation de tanguer qui persiste encore un bon moment.



Mardi 1 Février 2011:
On traverse Bandar et une bonne femme nous remet sur le bon chemin à la sortie du village alors qu'on partait dans la mauvaise direction, ça commence bien. On poursuit en suivant un sentier qui descend dans la vallée à travers les cultures en terrasses en demandant notre chemin dès qu'on croise quelqu'un pour vérifier qu'on ne s'est pas égaré. On fait un bout de chemin avec une vieille femme qui rentre chez elle à trois jours de marche en portant un lourd panier mais elle marche vite et finit par nous semer alors qu'on fait une pause pour discuter avec un vieil homme qui porte un impressionnant chargement aussi grand que lui.


On reprend des forces dans un petit resto' et c'est partit pour la grande ascension, le chemin grimpe raide sur le flan de la montagne et on peine à avancer faisant de nombreuses pauses. Les sacs pèsent pourtant peu à côté de la centaine de kilos que les porteurs que l'on croise ont sur le dos mais ça nous suffit bien amplement.


Alors qu'on vient de s'arrêter devant une maison une femme d'un certain âge nous demande si on veut de l'herbe... puis son mari sort et semble très intrigué par le violon, du coup je joue quelques airs dont un irlandais qu'il reconnaît comme ressemblant à un air népalais. J'enchaîne sur Resam Firiri que je retrouve vite fais et son visage s'illumine d'un énorme sourire tandis que ses yeux se mettent à pétiller.


Il est ravi et nous offre un bon thé au citron avant que l'on poursuive notre grimpette pour finir par arriver à Sete où un vieil homme nous accoste pour nous dire de passer la nuit dans son lodge pour 25 roupies par personnes, allez assez marché pour aujourd'hui. On va faire un tour dans le hameau et on tombe sur des enfants qui font brûler des broussailles, la plus jeune est magnifique dans son style de jeune paysanne népalaise. De retour à l'auberge, elle est déjà là et joue avec un vieux chien, en fait elle est la fille de notre hôte, comme les autres enfants qui ne tardent pas à arriver.



Mercredi 2 Février 2011:
C'est toujours aussi raide et on enchaine les pauses au fur-et-à-mesure que l'on prend de l'altitude. En arrivant dans un patelin on retrouve un porteur qui était là la veille quand j'avais joué du violon et il me demande de ressortir l'instrument, je lui dis que j'ai les mains gelées mais lui veut essayer, ok, je sors la bête qui passe de mains en mains entre toutes les personnes qui se trouvent là puis m'étant réchauffé quelque peu les doigts je leur fais quelques airs et on repart à l'attaque de la montée qui n'est toujours pas finie.


Petit à petit on finit par arriver au col et on s'arrête à une maison quelques mètres en contre-bas où une gamine nous dit que l'on peut manger là. La mère ne tarde pas à arriver sous un gros fagot de bois et se met aussitôt à la cuisine pour nous préparer un succulent dhaal-bhaat.


On descend ensuite dans la vallée suivante qui est très différente de la précédente, c'est magnifique. Après avoir traversé une belle forêt de rhododendrons géants, on arrive dans le fond de la vallée et on continue la descente traversant quelques hameaux ici et là.


Dans l'un d'eux une vieille qui est en train de débiter du petit bois m'interpelle dès qu'elle aperçoit le violon disant que l'autre femme présente aime danser. Je sors mon instrument et leur joue quelques morceaux qu'ils ont l'air de bien apprécier même si personne ne danse. La vieille me remercie grandement et je capture un de ses sourires avant de repartir sur le sentier qui descend la vallée toujours aussi magnifique.



Jeudi 3 Février 2011:
On traverse le village au fond de la vallée où on demande la direction pour poursuivre notre route qui grimpe gentiment en longeant la montagne à flan jusqu'à ce qu'on tombe face à face avec l'Himalaya au détour d'un virage.



La vue est grandiose, la chaine de montagnes se dresse telle une barrière infranchissable avec ses sommets enneigés et on entame la redescente jusqu'à un pont suspendu qui nous permet de traverser la rivière au fond de la vallée pour remonter vers le col suivant.


L'ascension n'est pas aisée avec la fatigue accumulée dans les jambes et on fait une pause pour manger un bon dhaal-bhaat au soleil devant le premier lodge de Ringmo. Plusieurs convois de mûles chargées arrivent de l'altiport de Phaplu pour ravitailler les différents villages. On reprend l'ascension en faisant de nombreuses pauses jusqu'à arriver au col où on se retrouve au milieu de ranchs qui semblent être sortis tout droit d'un décors de western.



Une fois reposés, on attaque une interminable descente, traversant un charmant monastère à Taksindu, puis faisant une pause avec des gamins devant une petite ferme. On aperçoit le village au loin mais il semble ne jamais se rapprocher malgré qu'on marche à bonne allure.


On finit quand même par arriver, un couple sème des patates à l'araire tirée par les bœufs, des jeunes jouent au volley et on suit un gars chargé d'une montagne de bidons vides.


Une fois installés on mange en compagnie de Tek qui regarde les politiciens parler à la télé, aujourd'hui se tenaient les élections du premier ministre et le résultat ne devrait pas trop tarder à être connu. On discute un peu et il nous explique que depuis que le roi à été détrôné, plusieurs gouvernements se sont succédés avec pour objectif d'établir une nouvelle constitution permettant d'établir définitivement la république, mais les divers partis ne parviennent pas à s'entendre et il viennent de demander un délais supplémentaire au président. Plus tard dans la nuit je suis réveillé par un tambour quelque part dans les environs. Je parviens à me rendormir mais je suis à nouveau réveillé et je sommeille quelques heures comme ça jusqu'à ce que le son soit vraiment plus fort et jetant un coup d'œil par la fenêtre, je vois un petit groupe de gens devant la maison d'en face dont un tient une espèce de torche tandis que les autres tapent sur leurs percus.


Vendredi 4 Février 2011:
Tek s'excuse du tapage nocturne et nous explique que quelqu'un est malade dans la maison d'en face et qu'un sorcier a tenté de le guérir cette nuit... on ne saura pas si ça a marché. On reprend la "route" en continuant la descente qui n'en finit toujours pas.


Un homme sourd-muet s'arrête alors qu'on faisait une pause et nous explique qu'il s'est fait jeter de là où il était et qu'il s'est fait mal dans la bagarre. Il nous offre un paquet de biscuits et on lui en donne un en retour qu'il ouvre et que l'on partage.


Plus bas on arrive à un grand pont suspendu qui nous amène sur le versant d'en face et on entame la remontée dans un décors magnifique de terrasses vertes avec de belles maisons traditionnelles au milieu de beaux bananiers et on tombe sur... un panneau! Bigre, c'est le premier qu'on voit depuis notre départ et il indique Kharikhola, on se rapproche, sauf qu'il pointe dans une direction un peu suspecte. Heureusement que Titouan a eu la motiv' de redescendre aux maisons plus bas pour demander confirmation car il indique bien la mauvaise direction, ça c'est le comble, un seul panneau en quatre jour de marche et il faut qu'il soit mal orienté! Bref on reprend la marche sur le bon chemin.



Une fois au col, on aperçoit le village de Kharikola.


On commence par faire un tour au monastère bouddhiste perché sur la crête qui part du col puis on se rend à l'école pour trouver Padam, le directeur qui nous loge chez lui. Ouf, nous voilà rendu!



Samedi 5 Février 2011:
Grasse matinée jusqu'à huit heures: youhou! On s'est quand même encore fait emmerder par des bestioles dans les cloisons, probablement des souris... Njma, le voisin, nous fais visiter le village avec son école, son monastère tout neuf, son hôpital et sa salle d'opération, la maison des femmes, le bazar où un a des habitant ne cache pas son engagement politique, le tout en faisant la tournée de ses amis qui nous offrent une quantité de thés et de cafés plus sucrés les uns que les autres.



Dimanche 6 Février 2011:
Ici aussi la journée commence en chantant l'hymne national et en faisant quelques exercices physiques au rythme des tambours avant que chacun ne regagne sa place à la queue-leu-leu.


On rencontre les profs dont le responsable des parrainages avec qui on se met d'accord sur la marche à suivre et on se met au boulot: Titouan s'occupe de faire rédiger une lettre aux élèves sponsorisés ou à défaut de le faire faire un dessin tandis que je m'atèle aux ordinateurs.


Le soir on monte se caler au monastère pour faire du diabolo, de la musique, lire ou dessiner.





Lundi 7 Février 2011:
A la pause déjeuner une jeune mariée descend de la montagne toute belle vêtue sur son cheval au milieu du cortège qui l'accompagne jusqu'au village de son mari, ce qui ne manque pas d'attirer l'attention.



Mardi 8 Février 2011:
Aujourd'hui c'est festival hindou en l'honneur du dieu de la connaissance, une vaste blague vu que quasiment tout le monde est bouddhiste et on ne parviendra pas à avoir d'explications claires sur ce en quoi consiste ce festival. Néanmoins c'est l'occasion d'avoir un jour de glande au milieu de la semaine, les élèves arrivent au compte goutte entre 10h et 11h, passent dire bonjour à la statue de la déesse concernée installée dans une salle de classe et recevoir un tika puis on regarde un reportage sur l'école de Kharikola qui a été fait l'an dernier pendant que d'autres jouent au volley ou au foot puis chacun rentre chez soi en début d'après-midi.



Mercredi 9 Février 2011:
Je descend à la maison des femmes et y trouve la prof avec une élève qui apprend à tricoter. Quatre machines à coudre à pédale sont là et des habits réalisés ici-même sont exposés au mur. Aujourd'hui c'est « holiday », c'est pourquoi il n'y a pas plus d'élèves, l'endroit est fermé durant le mois de janvier car il y fait trop froid. J'en profite pour réparer mon sac qui commence a être bien usé et mon froc dont la poche latérale est juste rafistolée depuis la grande muraille prêt de Yinshuan et une autre est bien trouée ce qui est peut-être responsable de la perte du portable de Makhamar... elle m'aide à me lancer et il n'y a plus qu'à pédaler pour faire tourner la machine, le coup de pied est vite pris et je repars un peu plus tard avec mes affaires rafistolées.


Jeudi 10 Février 2011:
Je retourne à la maison des femmes où trois élèves sont là et s'entraînent à suivre des lignes sur des feuilles de magazines avec les machines à coudre.



Vendredi 11 Février 2011:
Au p'tit déj' Padam nous annonce qu'aujourd'hui c'est pique-nique pour les classes 1 à 6, on va quand même à l'école le matin en croisant la bonne femme qui vit dans la cabane d'à côté. Elle est muette mais nous fais des sourires magnifiques et on échange ce qu'on peut. On rejoint tout les petits sur le replat derrière le monastère sur les coups de midi. Lorsqu'on arrive ils viennent de tuer et de dépecer une chèvre et sont en train de nettoyer les boyaux et bruler les sabots et la tête, on a raté le spectacle de quelques minutes...


Les enfants s'amusent, certains jouent au ballon, d'autres cueillent des plantes, l'endroit est trop calé, c'est juste dommage que le soleil ne soit pas de la partie.



Vient l'heure du thé et chaque enfant sort un bol de son sac et se met dans la file en attendant d'être servit puis va s'asseoir avec ses copains avant de reprendre leurs diverses activités. Titouan sort le diabolo et il se retrouve aussitôt entouré par quasiment tous les gamins très intrigué par ce drôle de jeu. Après la démo, ils s'y essaient un peu tous y compris les profs dans l'amusement général.



Un peu plus tard, Suresh me demande de jouer du violon et c'est moi à moi de me retrouver entouré d'enfants.


Après quelques airs je leur demande s'ils veulent danser et je leur apprend le brise-pied. Je galère pour les faire mettre en ligne face à face puis lorsque ça ressemble plus ou moins à des rangées je leur montre comment faire mais ils hésitent à me suivre. J'insiste un peu en continuant lentement et lorsque je me met à chantonner l'air ils s'y mettent en m'accompagnant au chant. C'est bien bordélique mais petit à petit ils choppent le truc et je fais varier le rythme. D'autres enfants qui nous regardaient se mettent en bout de ligne et je fais durer quelques temps. Après ça je leur joue Resam Firiri et ils se mettent aussitôt à chanter, c'est bien chouette, j'ai l'impression de mener une chorale sauf qu'ils connaissent la chanson mieux que moi et je merde un peu sur les enchaînements mais ça marche quand même et ils y vont de bon cœur. Je joue ensuite quelques airs français ou irlandais et quelques élèves tentent de m'accompagner au madal. En rangeant l'instrument dans sa boite je sors la flûte et la guimbarde qui intriguent les élèves alentours.



La bouffe est enfin prête et tous les élèves se mettent sagement en file indienne en attendant que leur assiette soit pleine.


On continue en musique avec des chants et des danses.



Le jour touche à sa fin, il est temps de rentrer. Il reste une chèvre pour le prochain pique-nique qui si elle l'a échappé belle pour cette fois, elle sait maintenant ce qui l'attend...


Une fois les élèves partis on reste autour du feu à boire au choix la chan sortit d'un gros bidon en plastoc ou le raksi avant de rentrer chez Padam où tout le monde prend place dans la cuisine pour une nouvelle tournée. Le prof à qui j'ai offert une multsunga a bien progressé, Maya demande à Titouan de sortir sa flute de nez, je ressors la mienne et c'est partit pour une session zik. Chacun teste la flute de nez et les guimbardes et Maya prend un air de petite fille en me demandant si elle peut garder la multsunga qu'elle vient d'essayer, trop mignon ;), du coup je lui en file une des deux qu'il me restait. Un des anciens élèves me demande de lui prêter la flûte et on passe ensuite dans la pièce d'à côté qui est plus grande où on continue en musique et danse. La bonne femme de ce matin entre attirée par l'agitation et se marre bien en voyant Titouan et moi danser.



Samedi 12 Février 2011:
Jour de repos = jour de la douche mais c'est laborieux: l'eau du robinet sensée être tiède est juste un peu moins froide mais de toute façon vu le débit j'opte pour le seau d'eau glaciale que je vais chercher aux toilettes à côté alors qu'un rat tombe du plafond lorsque j'ouvre la porte et je me retrouve à poil dehors avec Sunita qui descend du stupâ juste au dessus... je plonge la tête dans le seau pour me laver les cheveux ce qui me sonne en quelques secondes, ah la vache! Ok, ça ça roule, je me sèche et monte me mettre « au chaud » et tenter de réanimer mes pieds gelés par le temps passé sur la dalle glaciale de la douche en faisant bien marrer Titouan lorsque je me noirci les pieds sur la flamme de la lampe à pétrole. Et ben c'est pas de tout repos, le prochain shampoing attendra le retour à Kathmandu.



Dimanche 13 Février 2011:
On se rend à l'école pour 10h, heure prévue pour le départ, mais on attend une heure le temps qu'une bannière soit faite avec des inscriptions en népalais ainsi que « Educational Toor 2011 », zouber! En attendant je me fait offrir un raksi par un jeune dans le lodge juste à côté et tout le monde est bientôt prêt, en avant! La troupe d'une trentaine d'élèves s'étire et se disperse dès la traversée du village, on a déjà perdu Tilak, le seul prof qui nous accompagne, mais on entame l'ascension. Ça monte bien raide à un rythme plutôt cool, ça va.


On fait une pause dans une toute petite école puis une autre dans un monastère où on prend le thé et on finit par arriver au lodge où on passera la nuit. On s'y envoie un festival de peuhtates cuites à l'eau que Titouan et moi mangeons avec la peau à la grande surprise des élèves qui s'embêtent à les peler. On repart ensuite pour aller voir un éléphant et un aigle en pierre... ouep, avec beaucoup d'imagination ou quelques substances psychotiques peut-être. En chemin on traverse des forêts de rhododendrons couverts de mousses qui prennent des allures fantomatiques et nous donnent l'impression de se promener dans un conte de fées, ou plutôt un cauchemar fantastique.



On rentre à la tombée de la nuit pour le bon dhaal-bhaat du soir et c'est partit pour la big party. Les élèves branche le « sound-system » dehors et commencent à danser dans le froid mais au bout de quelques heures ils emménagent à l'intérieur et voilà l'auberge transformée en nightclub pour ados. La zik est bien forte, les jeunes bien motivés et même le couple qui tient le lieu participe à la fiesta, c'est super drôle.




Lundi 14 Février 2011:
Réveil à sept heures par les jeun's qui s'activent déjà. On prend le thé puis on attend dehors, on attend dans le froid et on attend encore en regardant le sommet enneigé qui nous fait face et les nuages qui montent dangereusement.


En attendant on a percé le mystère de Spiderman, cherchez plus il est népalais:


Le prof finit par arriver et on se réinstalle à l'intérieur pour un raksi en attendant que le dhaal-bhaat soit prêt. A11h on est enfin parés pour le départ et on reprend l'ascension dans les nuages.



Nouvelle pause dans un monastère puis sur un replat au sommet d'une montagne et on continue l'ascension sur la crête par des passages qui se rapprochent plus à de l'escalade qu'à de la randonnée.


On monte, on monte, on monte, jusqu'à dépasser les 4000 mètres d'altitude, on est maintenant au dessus des nuages et la vue est saisissante en arrivant à un col d'où on attaque la redescente mais il n'y a plus de chemin, il est déjà 4h et on est bien loin de Kharikola... Avec Titouan on commence à se poser des questions quant au retour au village mais le prof est confiant, on sera au village avant 6h, les élèves n'ont pas l'air de s'inquiéter et chantent à tue-tête. On descend progressivement en se laissant guider par les jeunes qui avance à moitié au feeling, à moitié à l'intuition en nous faisant passer par des passages craignos bien vertigineux.



On finit par couper tout droit dans un éboulis recouvert de longues herbes sèches super glissantes qui cachent tous les pièges qu'elles recouvrent mais personne ne se fait mal et on parvient à une ruine d'où on récupère un sentier qui redescend vers le village alors que le soleil se couche.



On se retrouve bientôt à marcher de nuit dans la jungle en se guidant tant bien que mal à la lampe de poche et il fait vraiment nuit lorsqu'on arrive au premier lodge où on fait une courte pause le temps que tout le monde se regroupe puis on continue une demi-heure avant de refaire une pause pour une nouvelle peuhtates-party.


La reprise est difficile, j'ai les chevilles en compote et les genoux qui tirent, on continue de descendre en chantonnant du Renaud jusqu'à arriver au pont qui permet de traverser la rivière et on entame l'interminable montée jusqu'à la maison de Padam où on monte se caler dans la chambre, genoux et chevilles explosées.


Mardi 15 Février 2011:
Titouan passe l'aprèm à graffer dans la cour sous l'œil intrigué des quelques élèves qui jouent là.




Jeudi 17 Janvier 2011:
J'en ai fini avec les pcs et je demande à Hiram si je peux avoir une classe pour faire de la musique. Je me retrouve aussitôt avec les tout petits et leur apprend une chanson en anglais, ça marche pas trop mal même si ça fait un peu du yaourt par moment mais peu importe, en tout cas ils y vont de bon cœur pour les « Eya-Eya-O ».




Ils recopient plus ou moins bien les paroles puis je ressors et croise Hiram qui me dit de prendre la classe 3, ok, c'est repartit, je refais le même programme puis je vais retrouver Titouan qui a pris la suite dans la classe 2 et leur fait dessiner les animaux de la ferme.



La table de multiplication placardée sur le mur de la classe a quand même de quoi en laisser quelques uns perplexe...


L'après-midi on descend au bazar puis on remonte en faisant un petit tour dans les terrasses en contre-bas du village et on fait une pause dans une maison où la patronne nous offre un sirop de citron, sympa.



Vendredi 18 Février 2011:
La sourde-muette de la cabane d'en face me tape la discute, alors que je fais ma toilette à la source au dessus du chemin qui passe devant chez Padam Sir, on commence à être bien potes même si je comprend jamais grand chose à ce qu'elle me raconte. Je crois qu'elle me parle de la fête qui s'annonce pour le mariage qui a lieu aujourd'hui, visiblement il lui tarde d'aller manger, boire et danser.


On suis Padam jusqu'au « weeding » qui a lieu juste après le bazar où on commence par prendre place sur les planches posées à même le sol servant de bancs dans les terrasses en contrebas et on remange un énorme dhaal-bhaat accompagné de deux bols de raksi, la peau du buffle qu'on vient de manger est suspendue à un arbre, on a encore raté le spectacle. Les jeunes mariés n'ont pas l'air très joyeux et passent toute l'après-midi assis à une table avec leurs parents et tout le monde vient leur faire leurs vœux, leur passer une khata autour du cou et déposer quelques billets dans le plat de riz posé devant eux.



Deux personnes sont déjà à terre, un jeune qui dors la tête dans un panier et un vieux qui roupille en haut d'une petite falaise qui surplombe la place du mariage mais qui finit par émerger pour allumer un pétard qu'il laisse exploser dans ses doigts! Quelques personnes installe le « sound system » alors que le jour touche à sa fin, un bon gros caisson sortis d'on ne sais où, et en avant la musique, c'est partit pour un set de musique népalaise parfois un peu hasardeux, superposant parfois deux musiques pendant quelques minutes ou cherchant la piste suivante en mode « scan » avec de temps en temps un bruit de coup de poing à la street fighter qui sors au moment ou on ne s'y attend pas. On observe la scène d'en haut, assis en compagnie d'Hiram qui me présente sa femme et d'autres gens qui passent par là. Ça commence à danser en dessous et on se joint aux danseurs qui nous font signes depuis un moment, c'est la fête et les gens sont contents, c'est bien tripé de remettre la situation dans son contexte, il est 8h du soir alors qu'on a l'impression qu'il est deux heures du mat' et on danse dehors dans le froid des montagnes himalayennes au mois de février avec un paquet de jeunes népalais, les vieux commençant à se faire rares.


Samedi 19 Février 2011:
Mieux vaut deux fois qu'une: nouveau mariage! Aujourd'hui c'est au tour d'une « soeur » de Maya, du coup les mariés arrivent et s'installent sur la terrasse de Padam.


Les gens les font boire et manger puis le cortège se rend à la maison de la mariée où tout le monde s'installe comme la veille dans les terrasses en dessous pour le dhaal-bhaat qui est offert.




Une fois rassasiés on remonte devant la maison et en avant la musique, les gens dansent sur le chemin qui est transformé en piste de danse pour l'occasion et le raksi coule à flot. Bonne ambiance, tout le monde est content et se trémousse sur les musiques qui commencent toutes par un « Héééééé... ».


Dimanche 20 Février 2011:
Aujourd'hui on fait la remise des parrainages à une quarantaine d'élèves la plupart venus avec un de leurs parents et on se retrouve chacun avec une trentaine de khatas autour du cou.


On joue ensuite au foot avec les enfants et vers cinq heure les mariés arrivent avec toute la clique et c'est repartit pour la fiesta.


Lundi 21 Février 2011:
C'est le bordel avant l'aube, tout les invités du mariages qui dormaient aussi chez Padam se lèvent pour prendre le long chemin de retour qui les attend pour se rendre à Saleri. Dernier p'tit déj' de Maya qu'on remercie avant de se mettre en marche pour s'enfoncer un peu plus dans l'Himalaya, Padam n'est déjà plus là car il a suivit le mouvement au lever du soleil, on se retrouvera à Kathmandu.


On traverse le village en croisant Hiram et les élèves qui montent à l'école à qui on dit « bye, bye » et on fait une pause chez Suresh où son père nous offre le thé ainsi qu'une autre khata puis on quitte Kharikola pour de bon et on attaque la longue ascension sur le versant opposé. On en chie pas mal au début puis on prend le rythme et on avance pas trop mal mais je merde en posant mon sac à l'arrache alors qu'on fait une pose et il tombe du mauvais côté sur la caisse du violon qui se crève sur un rocher. C'est pas dramatique mais la touche s'est décollée du manche... On s'envoie un super dhaal-bhaat une fois en haut puis on marche à plat pour changer de versant en passant par le fond du vallon et il se met à neiger de plus en plus, c'est joli mais on commence à se transformer en bonhommes de neige, assez marché pour aujourd'hui, on s'arrête au « third eye lodge » où on essaie de se réchauffer avec un thé en compagnie de la maîtresse de maison et de quelques habitants des alentours devant un feuilleton pourave car il fait horriblement froid. Tard dans le nuit, comme je n'arrive pas à dormir, je me relève et sors dans le froid pour aller prendre en photo la grande ourse posée sur les montagnes d'en face.



Mardi 22 Février 2011:
On reprend la marche sous un beau ciel bleu et des sommets enneigés, ça envoie du gros, mais on se retrouve à descendre jusqu'au fond de la vallée pour ensuite remonter vers les avions qui s'enchaînent à un rythme impressionnant sur le plateau plus haut. En traversant un village je tape la discute à un groupe de fermiers bien sympathique occupés à planter des patates et un peu plus loin on croise un gars qui nous dit qu'on a raté le raccourcis.



On tente le stop pour éviter d'avoir à marcher une heure de plus mais sans trop de succès, y a pas beaucoup de passage par ici...


On décide de couper par un petit sentier qui a l'air de partir dans la bonne direction  et une femme allant ramasser des feuilles mortes dans le versant qu'on doit franchir nous rattrape et nous guide gentiment jusqu'à bon port.


On lui offre quelques biscuits pour la remercier et on traverse les champs au bas du village pour rejoindre l'impressionnante piste de l'altiport qui ne fait que 300 mètres de long avec 10% de pente, parés pour le grand plongeon?!


Chandan, un guide avec qui on avait tapé la causette sur la terrasse de Padam nous guide jusqu'au lodge d'un pote à lui. Après un bon dhaal-bhaat dans l'arrière-cour ensoleillée on retourne promener dans le village.



On se fait inviter par des femmes occupées à planter des patates à qui on avait fait signe de loin en arrivant. On échange quelques mots et elles nous font entrer dans une maison pour y manger des patates à l'eau. A l'intérieur on rencontre le grand-père qui a une bonne tête et connait quelques mots d'anglais.


Les jeunes nous amènent au terrain de foot où on tape dans le ballon sous les immenses montagnes qui nous entourent, le cadre est juste magique sauf qu'il faut pas avoir la cagne de courir après le ballon lorsqu'on l'envoie en dehors du terrain.



Mercredi 23 Février 2011:
On trace à l'aéroport où on arrive bien avant l'heure et l'attente est interminable lorsqu'on se retrouve dehors dans le froid à regarder les avions défiler jusqu'à ce qu'on nous face enfin embarquer avec deux heures de retard dans un petit coucou où l'hôtesse de l'air bien apprêtée nous offre des bonbons. Le décollage se fait sans problème et nous offre un beau spectacle qui se poursuit lorsqu'on sort de la vallée et qu'on longe l'Himalaya et ses sommets enneigés. Le retour se fait plus vite que l'aller et quarante minutes plus tard on atterrit à Kathmandu.


Le stress de Thamel est dur à supporter et je trouve refuge sur une place autour d'un grand stûpa où des enfants s'amusent à faire rouler un cerceau et un jeune m'accoste gentiment pour discuter un peu.


Je retrouve ensuite Titouan qui s'est fait couper les cheveux et raser son énorme barbe mais qui a quand même gardé la moustache! Lorsqu'on se pieute voilà qu'en plus des chiens qui s'en donnent à cœur joie ya aussi les vaches qui s'y mettent, c'est quand même ouf, en plein Kathmandu, après les sorciers de Jumbesi, on aura tout eu!


Jeudi 24 Février 2011:
Bon anniversaire Titouan! On prend l'apéro sur le toit de l'auberge avant de retrouver Suman qui est revenu d'Inde, il bouge à Pokara samedi et nous convie à le suivre, voilà qui précipite nos plans mais c'est pas plus mal parce que Thamel commence déjà à me taper sur les nerfs.


Vendredi 25 Février 2011:
Krishna qui tient l'épicerie du coin avec qui je suis maintenant bien pote m'invite à boire le thé en compagnie de sa femme et ses trois filles et Jean-François arrive avec une sa copine australienne qui me demande de jouer quelques morceaux. Je sors le violon et passe un petit moment à faire de la musique pour le plaisir des filles qui filment cette scène incongrue, c'est pas tous les jours qu'on joue de la zik de la magasin du padre.


Samedi 26 Février 2011:
On se rend au départ des minibus pour Pokara où Suman et Titouan s'achètent chacun une belle paire de Rayban et choppent un peu de lecture pour le trajet, pas besoin de lire népalais, les images parlent d'elles-même avec des photos de meufs en tenues légères dans des positions plutôt inhabituelles. Vroum, nous voilà partit! On sort lentement de la capitale qui s'étire sur pas mal de kilomètres en traversant de beaux quartiers bien à l'arrache où les gens s'affairent à leur vie de tous les jours, ça bricole des motos, ça vend de tout et n'importe quoi, ça bosse sur des chantiers ou ça survit péniblement en faisant les poubelles. Une fois dans la campagne, on continue dans des collines en suivant une belle rivière qui serpente au fond de la vallée. Les bleds s'enchainent les uns aux autres jusqu'à ce qu'on se retrouve bloqué dans un embouteillage, tous les véhicules sont à l'arrêt et les gens sont assis dans les bas-côtés en attendant que la circulation reprenne. On descend du bus pour remonter la file à pied en se marrant sur les camions bariolés aux effigies de Nike ou Addidas qui affichent des messages tels que « King of the road », « Horn Please » ou « See you » mais on ne parviendra pas à remonter à la cause du bouchon même en ayant marché un bon kilomètre car des véhicules commencent à arriver en sens inverse et le trafic reprend bistare, bistare (doucement, doucement).


Un peu plus loin on passe devant le bus salement amoché qui bloquait la route. Le trajet se finit ensuite sans encombre et il fait déjà nuit depuis longtemps lorsqu'on arrive enfin au resto de son pote Kalu après avoir traversé la ville et longé le lac qu'on imagine plus qu'on ne le distingue dans l'obscurité de cette nuit sans lune, vivement demain matin. Le spot est bien calé et après un superbe dhaal-bhaat on suit un petit chemin caillouteux qui monte jusqu'à la maison où Kalu nous prète sa chambre qui est roots à souhait: lumière tamisée verte et déco' aux effigies du Che, Kurt, John Lennon et Yoko, avec un amac et une monkey-chair suspendus aux barres métalliques qui portent le toit en tôles ondulées, une vielle guitare folk customisée maison adossée dans un angle et quand même un poster d'Avril Lavigne qui traîne par terre dans un autre coin.


Dimanche 27 Février 2011:
De bon matin je me frotte les yeux pour mieux apprécier la superbe vue sur le lac qui brille sous un grand soleil, les pécheurs ne nous ont pas attendu pour commencer leur journée.


Journée tranquille, on va se promener en passant faire un tour à la ferme de Kalu.



Lundi 28 Février 2011:
On prend place à l'arrière des motos pour une visite des environs du lac à toute allure puis on reviens se caler au "Day & Night" pour se mettre à l'ombre durant les heures chaudes.




Sur la fin d'aprèm' on renfourche les bécanes sans trop savoir où les deux coyotes nous mènent en se faufilant dans la circulation dense. Je me cramponne comme je peux aux minuscules poignées sous lesquelles je ne peux passer que la première phalange de mes doigts, Kalu bombarde en slalomant entre les véhicules qui se déplacent en tous sens et les piétons et autres deux ou trois roues qui traînent sur la chaussée. J'ai confiance en mon pilote bien qu'il fasse des dépassements limites nervous-breakdowns, j'ai l'impression qu'on roule à cent à l'heure en traversant la ville baignée dans la lumière du soleil couchant et lorsque je tourne la tête, mon regard tombe sur les immenses montagnes enneigées qui dépassent à une hauteur assez abusée, ça paraît tellement irréel, j'ai l'impression d'être dans un jeu vidéo. Kalu ralentit et trafique dans sa poche, le voilà qui décroche son téléphone et continue de conduire d'une main puis il repart de plus belle, on est maintenant sortit de la ville et les habitations commencent à se faire plus éparses, séparées par des champs et des jardins dans lesquels les paysans vaquent à leurs occupations habituelles. J'ai les doigts défoncés à force de me cramponner mais c'est tellement bon que ça ne fait rien. Au bout d'un moment Kalu se tourne vers moi pour m'expliquer que si on continue de rouler lentement on va rater le coucher de soleil alors il va accélérer ; moi qui trouvait qu'on traçait jah pas mal, et nous voilà repartit à fond la caisse, toujours à balancer de tout côtés en se faufilant comme on peut, c'est parfois très serré mais ça passe toujours, le pilote assure grave et le décors continue de défiler à fond la caisse avec toujours ces superbes montagnes en fond, c'est vraiment pas croyable. On finit par s'arrêter à un embranchement avec un chemin pour attendre Suman et Titouan mais on les a perdu. A côté de nous des gens sont en train de souder à l'arc avec une paire de lunettes de soleil pour seule protection, des femmes remuent la terre à la main dans les terrains voisins et un groupe de gens discute devant une bicoque en bois juste à côté. Comme ils n'arrivent toujours pas on continue sans eux en s'engouffrant dans le chemin qu'on suit jusqu'à arriver à une butte sur laquelle on monte et on se retrouve sur la rive d'un grand lac au pied des montagnes rougissantes sous les derniers rayons de soleil. Une barque est amarrée non loin de là, il n'y a pas de temps à perdre, je me cale à côté pour prendre une photo et voilà-t-il pas qu'une jeune fille sors de nulle-part, passe devant moi sans un regard, monte dans la barque et s'éloigne au fil de l'eau sans un bruit dans le calme et la sérénité qui règnent ici, contrastant avec la course-poursuite qu'on vient de faire, je crois rêver.


Kalu me dit de le suivre et on monte se caler sur la terrasse d'une amie à lui où on se fait péter une assiette de poissons grillés fraichement péchés en matant le coucher de soleil, de la grosse balle.


Le soir on rencontre les budys avec qui on part en vadrouille le lendemain: Greg, un Anglais en exil qui a fuis son pays, Nina sa copine Australienne, Kimola, un Allemand/Tchèque qui vit dans la pampa suédoise à fabriquer des harpes et autres instruments en bois et Evan, un américain qui est de retour au Népal avec son yukulele dont il s'accompagne pour chanter en népalais. Il avait appris la langue en prenant des cours intensifs lors de son premier séjour et il vient juste d'arriver à Pokara depuis le village dans l'est du pays où il donnait des cours d'anglais. L'équipe du Shivaratrek est au complet: « Full Power! ». On se met rapidement au point pour le lendemain mais c'est pas bien compliqué vu que Kalu et Suman ont tout géré: « Pa dooo problèm! ».


Mardi 1 Mars 2011:
On se lève de bonne heure pour le rendez-vous au « Day & Night » à 7h du mat' mais on prend jah du retard en attendant Suman et Kalu qui trainent un peu à casa et pensent à me souhaiter un « Happy birthday » en chemin. Une fois rassemblés on embarque à huit dans deux taxis avec nos sacs, yukulele, jumbe, guitare... les bagnoles sont minuscules comme tous les taxis népalais et il faut en plus qu'ils aient tous un gros caisson de basses dans le coffre ce qui ne laisse pas grand place pour les bagages. On tasse, on bourre, on fixe comme on peut le reste sur les toits et on traverse la ville de Pokara pour aller manger des œufs aux plat dans le resto de son frangin où on était deux jours plus tôt. Quand la jeep arrive on charge tous nos sacs à l'arrière, on déroule les tapis de sol sur la galerie métallique et en avant Guinguan, on prend place sur le toit sauf Kim, Greg et Nina qui préfèrent s'installer à l'intérieur. On part sur la route en direction du fond de la vallée en passant devant tous ces gens qui n'auront certainement pas la même journée que nous, chacun s'affairant déjà selon ses occupations, des femmes marchent chargées des briques dans de gros paniers tressés qu'elles portent sur leurs fronts, des menuisiers fabriquent des planches à la main, un garagiste tripatouille dans l'huile qui coule du moteur d'une moto démembrée.... On fait une pause devant divers ateliers d'artisans où des vendeurs de fruits ambulants nous accostent pour nous proposer leur marchandise et on embarque une jeune fille en sari qui prend place sur les sièges passagers à l'intérieur de la bagnole. Je me sens un peu mal à l'aise, ayant l'impression d'être un touriste de merde qui fait son safari dans les ghettos de la banlieue de la ville comme s'il était en pleine brousse, mais on sort vite de la civilisation pour se retrouver sur une piste qui serpente dans le large fond de la vallée, traversant la rivière à gué à plusieurs reprises.


On entame ensuite un long chemin rythmé par les cahots que fait le véhicule en traversant ici où là de petits villages bien authentiques comme celui-ci où on passe devant un toit en tôles bleues sur lequel est peint un gros « A » d'anarchie et un peu plus loin on fait une pause à proximité d'une école où une ribambelle de gamins se mettent à courir sur le talus qui surplombe la route et nous accueillent par de chaleureux « Namaste! ».


Kalu reçoit un coup de téléphone: le repas est prêt à Siklis, on est attendu. Ça ne nous empêche pas de faire une pause au détour d'une colline d'où on a une belle vue sur le glacier et la montagne qui nous regardera d'en haut durant tout notre séjour.


Notre jolie passagère s'arrête ici, j'achète quelques sachets de nouilles déshydratées pour aider à patienter pendant les dernières heures de route, on remplit quelques bouteilles d'eau et on repart avec Nina comme nouvelle passagère sur le toit.


On continue de bourlinguer jusqu'à s'arrêter dans un virage devant lequel pas mal de monde de tout âge trainasse en faisant passer le temps, que ce soit les grand-mères, les mères ou les enfants, les hommes doivent être occupés ailleurs. Bijey qui a déjà entamé la conversation comme s'il était pote avec tout le monde sort son yukulele et entame une de ses chansons népalaises, « Saile ra maile » qui sera notre tube du voyage. Tout le monde tombe sous le charme de sa voix grave et envoutante roulant les syllabes qui s'accordent à merveille avec le son cristallin de l'instrument au milieu des éclats de rire, surtout lorsqu'il se met à danser de manière telle que sa grande taille et sa minceur le font ressembler à un pantin qui s'agiterait au bout de ses ficelles en faisant des cercles au milieu de l'attroupement.


Après une franche rigolade et quelques blagues des grands-mères, on se quitte en une nouvelle clameur de « Namaste! » pour reprendre la route qui se rapporte maintenant plus à du rodéo qu'à autre chose, traversant des zones d'éboulis à flan de falaise qui ressemblent à un immense chantier au milieu duquel le chemin descend et gravit des pentes vertigineuses.


On est maintenant dans le Parc National des Annapurnas dans lequel on est entré comme des vandales sans carte TIMS ni permis et on traverse encore un village où on se fait à nouveau saluer par les écoliers pour finalement arriver à Siklis où on est accueilli par des enfants qui nous passent à chacun une khata de bienvenue autour du cou. On suit nos guides dans les ruelles jusqu'à une maison où on pose nos bagages pour apprécier le thé sur la terrasse avec vue sur toute la vallée et le versant opposé avant de passer à table pour un bon gros dhaal-bhaat. Bijey rejoue quelques chansons népalaises à un groupe de femmes qui passe devant nous avec chacune un immense panier sur le dos.


On ne s'attarde pas plus qu'il ne faut et on reprend la marche avec tout notre barda au travers de ce village tout en pente où on croise quelques habitants apparemment pas habitués à voir des touristes et on monte se poser plus haut dans la montagne.


Nous voilà sur un large replat avec une petite maison devant laquelle on se cale et on allume un feu. On sort les instruments et c'est partit pour un petit jam yukulele & violon mais notre pote Hom (comme Shiva) de Siklis arrive et nous dit que le campement se fait plus haut dans la montagne, allez on recharge les sacs et c'est repartit! Heureusement on ne va pas très loin de là et cette fois on se pose dans une clairière en faible pente sur la crête de la colline, ce qui nous offre un immense panorama de toute beauté avec le glacier qui nous fait des clin d'œil dans le fond. On installe le campement et on passe la soirée en musique au coin du feu.


Une fois couché je plonge rapidement dans un sommeil profond pour n'être réveillé qu'au petit matin par le bruit de la pluie et des rafales de vent qui s'abattent violemment sur la toile de tente jusqu'à ce que Bijey se mette à chanter et que la pluie s'arrête.


Mercredi 2 Mars 2011:
SHIVA!!! HAPPY BIRTHDAY!!! Les nuages se sont dissipés lorsque je sors de la tente et je me retrouve dans un bain de lumière face au soleil levant en suspend au dessus des montagnes d'en face.


Greg et Nina ont jah pris place sur un rocher perché pour contempler le spectacle tandis que Hom s'affaire autour du feu et que les autres dorment encore sous la bâche qu'ils ont tombé à cause de la pluie qui s'engouffrait dessous, c'est assez comique de distinguer juste la forme des corps étendus sous le plastique d'où émanent quelques ronflements. Deux gamins sortent de nulle part avec de jolis petits bouquets de fleurs violettes qu'ils viennent offrir à chacun d'entre nous en nous souhaitant un « Namaste! Welcome to Siklis and happy Shivaratri » que l'on reçoit les mains jointes devant la poitrine. On réveille ensuite les instrus et on passe la journée à jouer en plein cagnard qui petit à petit se fait de plus en plus oppressant au fur-et-à-mesure que le soleil monte dans le ciel. Shiva se joint même à nous en faisant vibrer les cordes du violon avec le vent dans un magnifique carrion magique.


Les copains plantent un arbre en l'honneur de Shiva et sur les pierres à ses pieds, Kalu dresse une stèle sur laquelle il inscrit les noms de chacun sous le symbole du Dieu à l'aide d'un bout de charbon.


On redescend tous ensemble vers le village qu'on traverse jusqu'à arriver chez notre ami Hom, d'où le nom de son chez-lui: Hom's Home. Là il ouvre la porte latérale barrée par de grosses planches qui s'encastrent à l'horizontale et qui donne sur une pièce dans laquelle trône... un billard!


C'est de plus en plus surréaliste mais tout semble s’enchaîner si naturellement, à croire qu'on est en train de vivre un rêve éveillé. Tant qu'il fait encore jour, Kalu nous fait traverser le village par les petits chemins en pierre où on croise encore quelques habitants dont de magnifiques vieillards et de jolis petits chérubins jusqu'à arriver à l'extrémité du village où on se cale avec une magnifique vue sur le glacier auquel on se rend demain.




Jeudi 3 Mars 2011:
Un p'tit air de musique pour la route et nous voilà partit!


On longe la vallée sur le flan de la montagne le long d'un sentier bien entretenu qui commence par descendre gentiment, remonte un peu puis descend méchamment jusqu'à une grande cascade qui tombe de quelques dizaines de mètres dans un recoin de la vallée.


Le chemin grimpe ensuite à pic dans un pan vertigineux de la montagne où on doit faire de l'escalade et gravir une espèce d'échelle bricolée avec quelques bouts de bois et de bambous pour les liens.


On traverse une zone de jungle alors qu'il se met à pleuvoir, ne rendant pas la marche aisée sur les pierres et les racines qui deviennent extrêmement glissantes, jusqu'à déboucher sur la rivière qui a emportée la suite du chemin mais un nouveau sentier a déjà été tracé dans l'éboulis et on descend comme on peut jusqu'à passer sur l'autre rive par un petit pont fait de quelques rondins de bois qui enjambent le fort torrent.


On avance un peu au hasard dans le lit de la rivière et étant en tête je m'aventure à escalader une butte abrupte sur le sommet de laquelle je me retrouve plus ou moins bloqué, allez hop, en avant, je me laisse glisser dans la pente raide et dérape tant bien que mal jusqu'au bas en m'écorchant l'avant-bras pour tenter d'épargner le violon sanglé sur mon sac-à-dos et je m'arrête quelques mètres devant Hom qui a fait passer la troupe par en-dessous. Je le laisse passer devant et le suis dans de nouveaux passages glissants et bien pentus, on retraverse la rivière sur un autre petit pont du même style que le précédent où j'en profite pour nettoyer mon bras, ok, ça c'est réparé, on continue.


On aperçoit enfin la ferme où on passera la nuit, pas fâché d'arriver car il pleut de plus en plus fort et on se met vite au sec sous un abri qui sert de débarras et de stockage.


Vendredi 4 Mars 2011:


Pas besoin de plier les tentes aujourd'hui car on redort là ce soir, nous voilà en marche en compagnie de Tika et Tsomaya qui nous accompagnent pour la journée et on s'engouffre directement dans une épaisse jungle en suivant la piste qui continue en remontant la vallée. Heureusement on a l'équipe de choc avec Tika qui ouvre la voie à coup de serpette suivie par Hom qui déblaie à coup de bambou, on n'a plus qu'à suivre.



La marche est beaucoup plus aisée sans les sacs-à-dos alors qu'on traverse une flore à l'état le plus sauvage qu'il soit en longeant la vallée juste au dessus du précipice au fond duquel coule le torrent qui descend du glacier. Au bout d'un moment il n'y a plus de sentier et on continue à avancer à travers la jungle dans un décors magique fait de gros blocs de pierre recouverts d'une épaisse mousses, de buissons de tous genres et de grands arbres d'où tombent des lianes par centaines. En arrivant en haut d'un ravin on se sépare en deux groupes, certains suivant Tika qui contourne par le haut tandis que d'autres suivent Hom qui a déjà foncé tout droit et fraie un passage dans la pente vertigineuse. Une fois en bas on continue à travers d'épais buissons sur un replat avant de plonger dans un versant assez dégagée d'où on voit le glacier avec le lac qui s'étend à ses pieds.


C'est grandiose, le glacier descend de la montagne tel un immense serpent se faufilant dans la montagne qui ne cesse de se casser la gueule petit à petit dans des grondements sourds qui résonnent dans toute la vallée. De temps à autre des éboulis finissent dans le lac en un léger clapotis.


Les filles ont déjà allumé un feu et la bouffe est bientôt réchauffée, on mange d'énormes haricots rouges accompagnés du reste de chapatis et Tsomaya pète sa serpette en coupant du bois pour le feu, trop de force dans les bras... les népalaises sont vraiment impressionnantes! 



On fait une photo de grup' devant le lac alors qu'il se met à pleuvoir et on plie rapidement bagage pour aller s'abriter contre un gros rocher non loin de là, l'endroit n'est pas terrible et lorsque la pluie se calme un peu on se dépêche d'avancer pour se retrouver plus ou moins à couvert sous les arbres mais il pleut quand même pas mal alors on refait une pause sous un arbre tombé en travers du passage. Le temps passe et on reprend le chemin lorsqu'il ne pleut plus trop pour remonter la grande pente dévalée un plus tôt: "Euh... c'est par là qu'on va? - Oui, oui!".


En arrivant à la ferme on fait une mission bois puis on assiste à la rentrée des chèvres dans leur cabanes dans laquelle elle s'entassent les unes sur les autres et c'est un sacré foutoir entre celles qui se battent et celles qui courent pour fuir les mâles qui ont des envies d'accouplements, ça doit pas être évident pour les tout nouveaux-nés qui bien qu'ils sautent comme des cabris lorsqu'ils sont dehors, ne sont pas bien hauts face à tous les adultes qui les entourent.



Samedi 5 Mars 2011:
C'est déjà l'heure des adieux, on a chacun droit à un tika blanc fait de riz et de lait de la part de nos deux amies Népalaises, une bonne rigolade surtout lorsque vient le tour de Bijey qui fait bien une tête de plus que Tsomaya.



On prend ensuite le chemin du retour sous un soleil radieux et on fait le parcours en sens inverse en retrouvant les mêmes obstacles, jusqu'à arriver au village où on rétablit le campement près de Hom's Home.






Dimanche 6 Mars 2011:
On fait nos adieux à Hom et on descend à la jeep qui nous attend plus bas où quelques habitants ont déjà pris place, il va falloir se serrer. On entasse les sacs sur le toit et on se répartit comme on peut de façon à ce qu'on ait chacun une place quelque part. Je me retrouve serré à l'arrière avec deux grand-mères, Titouan, Bijey, Kim et Kalu qui s'enchaine des verres de raksi: « Raksi makes travel faster ». Bijey entonne une chanson népalaise et la jeep démarre, on fait les derniers signes d'adieux aux habitants qui nous regardent nous éloigner et aux enfants qui courent après la voiture et nous revoilà à cahoter sur la piste sauf que cette fois on est dans la boite et c'est pas du tout mieux, bien au contraire. Les grands-mères apprécient les chansons mais on doit bientôt descendre pour suivre à pied la jeep qui peine à monter dans la grande montée qui nous fait face. Heureusement on s'entasse bientôt à nouveau et on repart de plus belle. On voit pas grand chose et le trajet s'éternise, bien qu'entrecoupé par quelques poses dans certains coins où on retrouve des gens qu'on avait croisé à l'aller.


On prend notre mal en patience en s'envoyant quelques paquets de nouilles et de biscuits qu'on choppe dans les petites épiceries alors qu'une des deux grand-mère ne se sent visiblement pas bien, se cramponnant tant bien que mal, et finit par dégobiller tout le riz qu'elle avait dans le ventre, moitié dedans, moitié par la fenêtre.


En tout cas la jeep ne s'arrête pas pour autant et continue de se rapprocher de Pokara en entrant dans le large fond de la vallée. On finit par arriver et on transfère tout notre bordel dans deux taxis qui nous conduisent au « Day & Night » où on peut enfin se poser tranquilou et commander un bon gros dhaal-bhaat!


Mercredi 9 Mars 2011:
De retour à la capitale, me voilà confronté à une tâche pas évidente mais Ô combien récompensée, merci maman, merci les budys: j'ai trois colis dispersés dans toute la poste à récupérer. Je demande au gars qui vient de tamponner mes enveloppes et il me fait signe de passer derrière le comptoir pour aller voir de l'autre côté d'une porte où je tombe sur un dreadeux à casquette et sac-à-dos qui me fais signe de venir le voir. Je lui explique ma situation, il relève l'adresse de mon hôtel, dit deux mots à un collègue et commence à me taper la discute, on papote pas mal de ce que je fais au Népal et il me montre des vidéos d'écoles qu'il a visité sur une caméra qu'il sort de son sac. L'une d'entre elle se situe à 60 km de Kathmandu et n'a qu'une seule institutrice pour plus de cinquante gamins de tout âge dans un petit bâtiment construit avec l'aide d'un sponsor anglais, une autre est situé dans une sorte de forteresse en ruine. Il est bien drôle ce gars mais au bout d'une petite heure il me dit de suivre un de ses collègues car lui s'en va à moto. On traverse le dépôt et on entre dans une salle remplie d'étagères qui débordent de colis en tout genre et où on me dit de trouver mon nom dans un cahier de 4000 pages où je ne figure apparemment nulle part, ça commence mal. On passe dans la salle d'à côté où les paquets s'entassent à même le sol et je dois à nouveau chercher mon nom dans un énorme registre gribouillé à la va-vite, mais cette fois je finis par trouver à force de patience, il y a bien un colis à mon nom. On relève un numéro et je suis mon guide dans le dédale de couloirs jusqu'à une salle où on me remet un des colis ainsi qu'une lettre comme quoi j'ai un autre colis en poste restante, je progresse, du coup on retourne dans la première salle et je me fais balader de bureau en bureau jusqu'à ce qu'on me demande une photocopie de ma carte d'identité mais comme il n'y a pas d'électricité c'est pour le moment impossible d'en faire où que ce soit. A force de tergiverser, je parviens quand même à le récupérer en échange d'un papier sur lequel je recopie les renseignements de ma carte d'identité et de mon numéro de passeport qui est à l'immigration office en attente d'une nouvelle extension de visa, plus une commission de quelques roupies au gars qui en vérifie le contenue, ouf, c'était pas facile. Bon c'est pas mal mais il m'en manque encore un, je demande à mon guide s'il est possible de vérifier s'il y a un paquet à mon nom à l'adresse de mon auberge, et il m'amène derrière des grilles où un gars m'écris son adresse sur un bout de papier, zouber, et je fais quoi avec ça?! Je réitère ma demande et il me conduit là où j'avais réussi à avoir le premier colis et le gars qui est là trouve le paquet mais il ne peut pas me le donner car il a déjà mis un papier avec un numéro de retrait dans la boîte aux lettres de l'auberge dont je n'ai bien sûr pas la clé, et qui est indispensable pour pouvoir retirer mon colis. Mon guide me dit de le suivre et on se retrouve à marcher dans un dédalle de couloirs tout au long desquels des milliers de boites au lettres remplissent les murs du sol au plafond, impressionnant, comme il n'y a pas de facteurs, les Népalais qui veulent recevoir du courrier doivent demander un numéro qui correspond à une boîte ici, on marche on marche et on se retrouve devant une porte clause, pas moyen d'aller plus loin, du coup on retourne voir le gars qui détient le colis. Il passe un coup de fil et me passe Yves sans que je sache quoi lui dire d'autre que le fait que je suis à la poste et qu'il ne veut pas me donner mon colis... au bout de quelques échanges avec l'aide de Madou, le staff de l'auberge, Yves me dit que quelqu'un de l'hôtel ira le retirer d'ici quelques jours, sauf que je m'en vais le lendemain. « Tikcha? » me demande le gars de la poste, « Tikchaina! » que je répond, et je finis par arriver à mes fins en insistant un peu beaucoup et repars avec mes trois paquets après leur avoir montré ce qu'il y avait à l'intérieur juste pour satisfaire leur curiosité, un peu comme il est arrivé à Titouan lorsqu'il a voulu envoyer des photos dans une enveloppe fermée qu'il a dû ouvrir et aller en racheter une nouvelle après avoir raconter les parties de son voyage correspondant à chaque image... ça s'passe comme ça à Kathmandu Post Office!


Jeudi 10 Mars 2011:
Je retrouve Santosh et Babu Ram à leur cyber. On papote un peu, ils m'offrent un thé qu'on apprécie avec les biscuits que j'ai reçu dans le colis de maman, il me font tester de la bouffe indienne d'un vendeur ambulant et c'est l'heure de la coupure d'électricité... du coup Santosh reste pour les cabines téléphoniques et je file chez Sarita avec Babu où je suis accueilli par de grands sourires, je fais maintenant partie de la famille et je leur ai manqué depuis ma dernière visite. Ils sont ravis des photos que j'ai faites imprimer pour eux et demandent à voir mes photos de Kharikhola puis de France et d'ailleurs. Ils sont super contents de voir les visages de ma famille, de mes amis ainsi que mes photos de voyage. On papote encore un peu après un bon dhaal-bhaat, je commence à me débrouillé vraiment pas mal en népalais, puis on se couche en s'échangeant quelques chansons avec Puja.


Vendredi 11 Mars 2011:
Je ne dors pas très bien cette nuit là, le lit est super dur (une couverture sur les planches de bois) j'ai un peu froid (une seule couverture pour me tenir chaud) et les chiens font la fiesta dehors, mais lorsque Puja ouvre la porte et que j'aperçois un bout de ciel bleu dans le décors de la chambre recouvertes de posters et dont le toit n'est fait que de tôles posées sur des bambous, je suis de suite de bonne humeur, avant-même que ma mère adoptive ne m'apporte une tasse de thé alors que je reste au chaud sous la couverture. Nouvelle session musique en attendant que le dhaal-bhaat du p'tit déj' soit prêt et c'est l'heure pour les enfants d'aller à l'école et pour moi d'aller prendre le bus pour Sauraha.


Une fois sur place, je suis bien acceuilli par Bhim et sa famille. Il est prof dans l'école où il souhaite que je remette en état quelques pcs et j'ai même droit à une chambre pour moi tout seul dans sa grande maison où je vais partager la vie de sa famille pour une semaine.


Le soir venu, alors que je suis en train de bouquiner sur mon lit, qu'est-ce qui entre en passant sous la porte, tranquiloubilou? Un putain de rat qui va se planquer sous mon lit, rah le salop! J'y balance le carton qui sert de poubelle et un peu plus tard il repart comme il est venu. Lorsque je me couche, j'hallucine sur le bordel que font les moustiques qui volent tout autour de la moustiquaire en cherchant désespérément un passage pour venir me pomper, et beh, je manque pas de compagnie!


Samedi 12 Mars 2011:
Today: Holiday!! Je vais me promener à vélo en traversant la rivière où de nombreux gamins sont en train de jouer.



J'assiste ensuite au bain des éléphants.


Puis je m'éloigne du village et me fait inviter par une troupe de gamins en train de pique-niquer au bord de la rivière. Chansons, danses, ballon, carriole, gymnastique, escalade et baignade, on s'amuse bien.




Je les quitte en m'enfonçant dans la campagne sur un chemin bordé de bananiers, de belles fermes et de nombreuses parcelles de diverses cultures.


Il fait terriblement chaud et soif lorsqu'un gars me dit de venir m'assoir à l'ombre devant une petite boutique qui fait office de bar. Il est bien drôle et on sympathise rapidement, il se met à danser lorsque je chante « rato tika » ce qui fait beaucoup rire les autres personnes présentes, puis je lui offre un coup de raksi super costaud qui me met une bonne claque et je comprend comment il s'est retrouvé dans l'état dans lequel je l'ai trouvé... « FULL POWER!!! »


Il est complètement rôti et taquine la belle serveuse à l'œil qui dit merde à l'autre. Je reprend la route en sa compagnie pour la visite mais on ne va pas loin, la maison d'après est la sienne et il m'y invite pour me présenter tous ses enfants et ses parents.


On continue jusqu'à la maison d'encore après où on est invité à entrer dans une salle obscure où deux gars regardent un match de criquet en berçant un bébé. On pousse encore jusqu'à la maison suivante où on nous offre le thé en échange d'une nouvelle démo de danse en chanson avant que je ne prenne le chemin du retour, mine de rien je suis bien loin de Sauraha et le soleil commence à être bien bas.




Dimanche 13 Mars 2011:
Après avoir passé la matinée à l'école je reprend le vélo et vais m'acheter des fringues plus légères parce que j'ai vraiment trop chaud, puis je reprend le même chemin que la veille en faisant des pauses ici ou là au grès des rencontres, un Shiva Temple que des jeunes me font visiter, la « Tea House » d'une jeune fille dont les copains m'invitent à passer un moment à l'ombre avec eux et les centaines de mouches qui cherchent l'ombre, des champs dans lesquels les fermiers m'interpellent... certains ramassent les lentilles pendant que d'autres plantes le riz.


Lorsque je retrouve mon pote de la veille, il est toujours dans le même état... cramé. Je partage trois biscuits au mini-bar puis on bouge au Puja Festival juste à côté où j'avais été invité la veille. Trois brahmanes se relaient pour lire des textes sacrés dans un micro dont la réverb' est poussée à fond et faire des tikas au gens présent assis à l'ombre en face de l'abri dans lequel se trouvent les lecteurs qui est spécialement décoré pour l'occasion.


Mon pote insiste pour que je prenne des photos et s'y essaie aussi mais il est tellement bourré qu'il n'arrivera même pas à en prendre une seule. Il est très bruyant et ne se gène surtout pas pour appeler les gens qu'il veut prendre en photo, les brahmanes nous regardent maintenant d'un mauvais œil. Une jeune fille nous offre le thé comme on recule dans la maison juste derrière et elle nous donne aussi des légumes super pimentés qui me mettent la bouche en feu. On passe un petit moment avec les gens qui se trouvent là puis on retourne à la bicoque où je l'ai trouvé et où des gars jouent à une sorte de belote mais il commence à se faire tard et je vais récupérer mon vélo pour entamer le chemin du retour en compagnie de mon camarade qui me suit en courant jusqu'au hameau voisin où je le quitte en lui laissant 15 roupies en sachant d'avance ce qu'il va en faire mais bon... Sur le trajet du retour, je recroise pas mal de monde rencontrés à l'aller et je finis le trajet dans la pénombre.





Lundi 14 Mars 2011:
Je vais à Tandi, la ville d'à côté, et me promène dans les environs où les femmes ramassent les lentilles.





Mardi 15 Mars 2011:
Je croise un jeune pêcheur sur le chemin de l'école.


Et  remplie une pelloche avec les gamins qui demandent tous à ce que les prenne en photo.


Je rentre en faisant une pose avec des enfants qui sont en train de battre les lentilles fraîchement ramassées.



Sur le chemin du retour je recroise un jeune rencontré la veille qui m'amène chez sa grand-mère pour le puja festival où son cousin me fait un tika jaune, me met une herbe derrière l'oreille et me donne cinq roupies que je refuse d'abord puis accepte comme il insiste, c'est la coutume... Il m'offrent ensuite un chapati accompagné de saag , tarkari et un cell roti à manger et quelques minutes plus tard voilà pas qu'un dhaal-bhaat arrive! Ils sont très gentils, on discute un bon moment puis on va se promener à vélo dans la jungle.




On continue ensuite à se promener à droite à gauche avant d'aller chez lui où une chèvre à mis bat ce matin-même. Il m'offre une rose et on monte se caler sur le toit avec sa guitare, ça fait plaisir de gratouiller un peu, puis je rentre alors que le soleil est en train de disparaître à l'horizon.


Mercredi 16 Mars 2011:
Je fais un détour par un coin encore inexploré sur le chemin du retour et me fais inviter par une bande de jeune qui flâne devant leur maison à boire un verre d'eau, puis un coca, puis à visiter les maisons voisines où un vieux est en train de construire un toit en chaume.



Un autre gars qui est là est musicien et me fait une petite démo de madal. J'enchaîne en chantant et on continue à échanger en musique, ils me disent de revenir ce soir si je veux entendre plus de musique et je rentre en fin d'après-midi pour y retourner dans la nuit. Chacun se munit alors d'une paire de bout de bois, un dans chaque mains, et on fait des sortes de rondes autour des musiciens en faisant des chorégraphies rythmiques en frappant les bouts de bois l'un contre l'autre ou sur ceux des voisins, c'est bien drôle et pas trop difficile, il suffit de suivre celui qui est devant, il n'y a que les transitions qui ne sont pas toujours évidentes. Il y a également des paroles mais dans le langage de leur caste et je ne pipe rien. On rigole bien pendant une heure puis il est temps d'aller se coucher mais je suis invité à revenir le lendemain pour remettre ça.


Jeudi 17 Mars 2011:
Je croise des enfants alors que je baladais à vélo.


Ils m'invitent à les suivre à leur orphelinat où je rencontre leur « mère » qui demande à l'un d'eux qui a un vélo de me guider jusqu'au musée de la caste Tharu, puis de retour à l'orphelinat, je prend un des garçons que j'avais trouvé devant les pieds de weed à l'arrière de mon vélo et on se rend au musée du parc naturel où des fœtus d'éléphants, rhinocéros et leurs appareils de reproductions ainsi que pleins d'autres animaux comme un anaconda, des crocodiles, un dauphin et divers serpents baignent dans des bocaux de formol... un peu dégueux ; des peaux de tigre et d'ours pendent aux murs à côté des posters explicatifs. Voilà de quoi nous ouvrir l'appétit pour manger la chiura et boire le thé tous ensemble.





Un peu plus loin je m'arrête aider une jeune fille qui décortique des petits pois devant sa maison et m'invite à m'assoir un moment.


Puis je coupe à travers champs pour rejoindre le village des mes amis musiciens de la veille. Là je tape la causette avec quelques personnes posées devant une maison quand passe le gars qui jouait du madal avec un autre homme, tous deux sur un tracteur.


Je fais ni une ni deux et m'agrippe à l'arrière de la remorque puis remonte jusqu'aux deux acolytes qui m'amène non loin de là où on remplit la benne de terre à la pelle, oui monsieur, c'est comme ça que ça marche ici. Je me retrouve aussitôt trempé de sueur mais content, le boulot de la ferme m'avait manqué. Je profite de la courte pose pour prendre en photo des gamins intrigués qui me regardent pelleter puis je me remet à l'ouvrage.


On déterre un scorpion, un ver de terre vif comme un serpent qu'on file à bouffer à une poule en quête de nourriture et une fourmilière où cohabitent d'énormes fourmis avec d'autres minuscules qui me dévorent les pieds. Heureusement que j'avais mangé un brin avant de partir en promenade car la tête me tourne sur la fin. On ramène ensuite la terre qu'on décharge devant une maison et servira à faire un terrassement puis je joue au foot avec les jeunes qui se trouvent là avant de rentrer à la maison en rencontrant de nouveaux enfants pour prendre une douche à l'eau froide pas si froide que ça.



Vendredi 18 Mars 2011:
Lever à 5h difficile, je prends le bus en traversant nombre de bleds où les gens vivotent comme ils peuvent comme ce gars qui nous vérifie la pression des pneus du véhicule avec son énorme compresseur devant sa bicoque remplie d'autres pneus qui lui sert d'atelier mais apparemment aussi de maison vu que quelqu'un est en train de dormir sur un sommier de planches en bois qui donne directement sur la rue. On remonte ensuite une magnifique gorge bordée de beaux rochers et de plages de sable blanc et sur laquelle quelques pirogues descendent tranquillement. En doublant un camion, je croise le regard du chauffeur en train de se brosser les dents qui me lance un air de: « Ben quoi, t'as jamais vu quelqu'un qui se brosse les dents? ». Au village d'après je vois un groupe de cinq personnes agenouillées en rond autour de la fontaine chacun en train de s'activer avec sa brosse à dent. On continue de rouler en passant devant quelques népalais isolés qui s'adonnent aussi à cette activité, puis on double un nouveau camion dont le chauffeur a également une brosse à dent dans la bouche et on clos la série avec un vieux en train de se brosser les dents au bord de la route au milieu de nulle part, les premières habitations étant à quelques centaines de mètres... ils se sont passé le mot ou quoi?! étrange. Plus loin je me laisse surprendre par un groupe de jeunes occupés à traverser la rivière dans une nacelle qui n'avance que grâce à celui qui marche sur les câbles en la poussant puis on passe un camion renversé en suspens au dessus du précipice mais le trajet se poursuit sans accrocs jusqu'à notre arrivée à la capitale, terminus tout le monde descend.



Samedi 19 Mars 2011:
Suman nous retrouve à la chambre et on sort pour le p'tit déj'. On a pas fait cinquante mètres qu'une bombe à eau explose sur le sol juste à côté de nous, on lève les yeux et on voit quelques gamins dans l'immeuble derrière nous qui s'en donne à cœur joie de nous canarder, sauve-qui-peut, on se met à courir mais d'autres enfants qui se trouve sur le toit de la maison d'en face ouvrent le feux et on tombe sur un nouveau groupe de gamins en tournant dans la première rue où on se fait barbouiller et asperger. Il aura pas fallut 30 secondes pour s'être fait peinturluré la face et trempé les fringues, HAPPY HOLY !!! La ville est transformée en champ de bataille pour la journée, ça s'arrose de partout dans les rues avec des seaux d'eau qui sont vidés depuis les toits où visiblement ça n'est pas plus calme comme en témoignent les bombes à eau qui traversent la rue d'un bâtiment à l'autre. On rentre à l'hôtel où on monte sur le toit pour faire nos peintures de guerre et préparer un peu de mélange, à l'attaque! On redescend dans les rues se joindre à la pagaille qui y règne. Les pochons de flote fusent de partout et chacun y va de sa couleur pour nous agrémenter la face. Je perd Suman et Titouan et tombe sur un attroupement de gens peinturlurés qui dansent sur de la zik' népalaise. Je me joint à eux puis suis le mouvement qui croise un camion sur le toit duquel un excité s'agite à côté de deux grosses enceintes qui crachent une techno-trance endiablé. Je me laisse entraîné par les autres excités qui dansent à l'arrière du camion et on se promène dans les ruelles sous un déluge de bombes à eau et de seaux. On  finit par arriver au Durbar Square qu'on traverse et on continue jusqu'à se poser dans une large rue où on reste à danser un bon moment puis je remonte vers Thamel où je retrouve Titouan et Suman pour aller se caler sur la terrasse de l'hôtel et y déguster le fromage reçu de France: après l'effort le réconfort.



Vendredi 25 Mars 2011:
Réveil à 4h40! Je plie mes bagages et on saute sur la moto qui n'a pas de phare dans l'obscurité des ruelles qui n'ont pas d'éclairage et le froid de la nuit qui n'est pas finie. Suman ne roule pas vite car c'est pas évident de repérer les quelques piétons déjà debout ni les nids de poule qui nous font des surprises tout en prenant garde d'avoir été vu par les voitures qui arrivent en face. L'odeur devient nauséabonde, on se rapproche de la rivière, nous voilà à New Bus Park. On a quand même le temps de boire un thé puis ce sont de rapides adieux, de toute façon on se retrouve dans deux semaines, et me voilà partit pour une longue journée de bus. On passe devant une voiture qui a les quatre roues en l'air, puis on rencontre un troupeau de singes en train de traverser la route. S'il faisait bien froid ce matin, il fait maintenant trop chaud malgré l'ombre et toutes les vitres ouvertes et la pause dhaal-bhaat devient vite étouffante. Je bouquine un peu pour faire passer le temps mais ça donne vite mal à la tête et lorsque je goutte les biscuits que j'ai choppé un peu plus tôt, je découvre la dernière tendance, après les biscuits sucrés et les biscuits salés, voilà les biscuits sucrés et salés en même temps! Ouep, pas ouf... Le bus continue son trajet après une longue pause à Butwal, et on quitte la plaine pour s'élever dans les jolies petites montagnes sur une route étroite tantôt goudronée, tantôt à l'état de piste. En entrant dans la vallée de Sandhikharka, je croise les regards amusés d'un groupe de jeunes filles qui me fait sentir que les étrangers ne courent pas les chemins par ici. En effet, aussitôt débarqué je me retrouve encerclé par une petite vingtaine de personnes qui me demandent où je vais, sauf que je n'ai même pas marqué le nom du gars qui doit venir me récupérer. On l'appelle et il se trouve qu'il est à Butwal pour quelques jours mais c'est le pote d'un des gars présent qui m'aidera demain matin pour chopper une jeep qui m'amènera à un village où je devrai chercher quelqu'un qui pourra m'apporter à sa ferme en moto, ok, pas simple tout ça.


Samedi 26 Mars 2011:
Je merde avec le réveil qui a dû anticiper le passage à l'heure d'été qui ne se fait pas au Népal mais quoi qu'il en soit je me retrouve près à décoller à 4h45 alors qu'il fait encore bien nuit et même si le coq et les chiens ont déjà entamé leur journée il n'y a personne dans les rues. Trop mauvais, je me recouche pour me relever une heure plus tard et retrouver le gars de la veille. C'est bientôt l'heure du départ, je charge mon sac à l'arrière de la jeep et on décolle. On prend d'autres personnes au passage et on sort du village pour s'enfoncer dans les collines bien abruptes en enchaînant les cols et les vallées avec quelques traversée de rivières. On est de plus en plus nombreux dans le véhicule et les nouveaux passagers doivent se cramponner à l'extérieur jusqu'à ce qu'on finisse par me dire de descendre. Je demande si quelqu'un connait mon hôte et à la vue de son adresse on me répond que je suis allé trop loin et qu'il me faut rebrousser chemin mais mon intermédiaire Bishnu  habite bien là. J'attends un peu en essayant de discuter avec un jeune: « What do you do here? – Yes – No, what do you do here? – No – Ah, ok... » et le voilà qui arrive, me dit de poser mon sac à l'auberge du coin et on part visiter le village avec son temple de Shiva et son école où il est prof de science puis on continue à moto sur les pistes poussiéreuses fraîchement taillées dans la montagne pour aller balader. Il connait tout le monde en chemin et klaxone devant chaque maison et sans s'arrêter de rouler il entame une discussion qui reste donc en suspens au bout de quelques échanges vu qu'on est déjà loin, c'est assez drôle. On passe chez lui où je rencontre sa mère qui n'a plus qu'une dent en triangle dans la bouche avant de continuer à descendre de collines en collines jusqu'à arriver à la rivière où on va se baigner, c'est samedi, le jour de la toilette hebdomadaire. On s'arrête ensuite à une vieille maison qui fait accessoirement « salon de thé » et j'y assiste à un rassemblement des anciens qui doivent se mettre d'accord sur le tracé d'une nouvelle route pour faire rejoindre les deux parties réalisées de part et d'autre de la vallée.


Le soir, la coupure d'électricité quotidienne plonge la vallée dans le noir et vu qu'on est en hauteur on peut voir la vallée suivante scintiller de mille feux. Je mange le dhaal-bhaat avec les autres pensionnaires, dont Debendra qui est le très jeune principal d'une autre école avec qui je papote pas mal et il m'invite à l'accompagner le lendemain. La patronne me demande ensuite de sortir le violon et je leur fais quelques airs mais ils sont plus amusés lorsque je me met à chanter quelques chansons népalaises.


Dimanche 27 Mars 2011:
Je suis réveillé par les enfants qui révisent leur examen de sociologie dans la chambre d'à côté en s'entraînant à réciter à voix haute les leçons en anglais apprises par coeur, c'est pas triste! On se rend ensuite à l'école où c'est la période des examens de fin d'année mais ça ne m'empêche pas de faire la tournée des classes et même de chanter une chanson aux élèves avant la distribution des sujets, sur demande de Debendra, peut-être pour les aider à se concentrer...



Je continue ensuite à me promener un peu au hasard dans les environs et me dirige vers un village que je traverse en compagnie d'un groupe d'étudiants qui sortent de leur partiel. Je suis surpris de trouver une mosquée en plein cœur du village avec tout un tas d'inscriptions en arabe puis un des jeunes m'invite à boire un verre d'eau chez lui et j'essaie de dialoguer avec l'attroupement qui s'est fait autour de moi mais sans grand succès.



Je rentre à l'auberge où je donne un coup de main pour battre le blé fraîchement ramassé avant qu'il ne se mette à pleuvoir violemment.


Plus tard je profite d'une éclaircie pour aller voir Bishnu qui est occupé à faire réviser la classe 10 pour le SLC (School Leaving Certificate) et n'a pas eu de nouvelles de Buwan, on verra donc demain pour la suite du programme.


Lundi 28 Mars 2011:
Même réveil que la veille mais cette fois-ci c'est examen de sciences. Je retourne à l'école de Debendra où la femme qui s'occupe de cuisiner des en-cas pour les élèves m'explique comment préparer les cell-rotis. C'est pas compliqué: beaucoup de farine de riz, du sucre, un peu d'huile et suffisamment d'eau pour rendre le mélange assez liquide pour former le gâteau en le versant à la main dans l'huile bouillante autour d'un récipient retourné qui dimensionne le cercle.


Je rentre ensuite à l'auberge où il reste du blé à battre.


J'attends ensuite l'arrivée de Bishnu qui m'amène à moto chez Nayan Raj qui nous fais visiter sa ferme. On discute un peu et on se met d'accord pour que je vienne y passer quelques jours à partir de demain.


Mardi 29 Mars 2011:
Je commence à m'habituer à me faire réveiller par les enfants qui révisent leurs cours, aujourd'hui c'est examen d'anglais. Après le thé je file un coup de main pour peler les peuhtates et couper une tige de bananier en petits bouts puis à battre les espèces de pois secs qu'ils font griller, la patronne m'a adopté et on s'appelle désormais « ama » (mère) et « tsori » (fils) avec la patronne, ce qui amuse beaucoup mère-grand.


On passe ensuite au blé et on enchaine avec le dépeçage des épis de maïs sur quoi je suis pas mal efficace grâce à mon couteau que le padre me demande de lui offrir mais je n'ai que celui-là dont j'ai besoin et comme je refuse il me demande de l'offrir à Milan, le  fiston, malin ;).


On y passe quand même un moment vu la quantité qu'il y en a mais ça se fait dans la bonne humeur. Les personnes passant par là surprises de me voir travailler s'approchent pour en savoir un peu plus et on leur répond que je connais des chants népalais, du coup je suis bon pour faire tourner en boucle les 3 que je connais, il m'en faudrait des nouveaux... quoi qu'il en soit ça ne m'empêche pas de me pourrir les mains d'ampoules. Une fois le travail accomplit je joue du violon à un gars un peu âgé qui ne cesse d'en redemander et un peu plus tard je suis le père qui m'équipe d'un topi, de l'espèce de serpe dans son support en bois qu'il m'attache à la ceinture ainsi que du traditionnel cordage qui sert à porter tous les fardeaux sur le front et on traverse le village pour aller chercher des feuillages pour nourrir les bêtes, de quoi divertir les habitants qui rigolent bien en me voyant passer même si mon chargement est loin d'être aussi imposant que ceux qu'ils ont l'habitude de porter.


Mercredi 30 Mars 2011:
Je me lève à 5h30 alors qu'il fait encore nuit noire pour le lapin que ma posé Soucil, le docteur de la région qui va courir tous les matins... soit-disant. Le père est déjà debout et prépare la nourriture des buffles qui ont droit à leur soupe de foin chaude, j'assiste au réveil du village, une femme se brosse les dents avec un bout de bois d'un air distrait tandis que le chauffeur fais chauffer le bus et son klaxon et que tout le monde se rassemble devant la maison avant le départ. Mère m'envoie chercher de l'eau à la source à un kilomètre en contrebas avec Milan puis Bishnu ne tarde pas à arriver et il m'apporte chez Nayan Raj à moto.


Je m'installe dans la chambre des enfants qui sont maintenant grands et ont quitté le foyer familial puis je le suis au jardin où il prépare un coin de terre d'un mètre de large, qu'il mesure avec une tige de bois faisant deux fois son avant bras plus trois doigts, en le remuant bien tout en enlevant les mauvaises herbes puis en ajoutant du fertilisant naturel fait à base de fumier et de compost. Il m'explique tout ce qu'il fait en me parlant avec son accent paysan sans articuler du tout et je peine à le comprendre mais je parviens à suivre l'essentiel en m'accrochant. On plante ensuite des pois dans un carré de terre déjà prêt puis des graines de courgettes au milieu des patates en enlevant les pieds de pommes de terre qu'il enterre sous les graines. On finit par arroser le jardin en diluant du jus de fumier à l'aide de tuyaux en caoutchouc raccordés par des bouts de bambous. Son jardin est réglé au quart de poil et j'aurai énormément à apprendre mais la conversation n'est vraiment pas aisée.


Sa femme me fait manger une sorte de nougat/caramel puis je suis les enfants du voisin qui m'invitent chez eux pour manger un morceau de papaye et j'y rencontre le grand-père de 83 ans qui me tchatche un peu avant d'aller balader dans les environs pour trouver des fruits qui ressemblent un peu à de petites figues avec de gros noyaux et des pois un peu amer à l'intérieur d'énormes haricots en bois bien difficiles à ouvrir. Je rentre à la maison où sa femme m'a préparé des chapatis que je mange avec une succulente confiture de piments rouges en compagnie d'une de ses amies habillée dans un magnifique sari et je me met à l'abri comme il commence à pleuvoir. Un peu plus tard Nayan vient me chercher alors que la pluie a cessée et que le soleil est revenu pour aller semer des graines de tomates dans la bande de terre préparée le matin qu'il recouvre d'un paillage et arrose abondamment. Il n'y a plus qu'à attendre 3-4 jours pour avoir les semis et dans deux semaines il pourra les transplanter. On plante ensuite quelques tuteurs en bambous pour les haricots et on fait un petit tour jusqu'au ruisseau qui coule dans le fond du vallon où je me casse la gueule en glissant avec mes claquettes sur le sol pentu et mouillé, j'ai encore des progrès à faire pour le suivre. De retour à la maison je passe un peu de temps avec les gamins Mahan, Pratic, Kalem et Kiram qui sont jumeaux, ne se différenciant que par les dents qui sortes à l'horizontale de la gencive du second. Je monte ensuite à la chambre avec Pratic et un autre jeune pour une initiation au violon et alors que je joue sans prendre garde à ce qu'il font avec l'appareil photo, ils ne trouvent rien de mieux que d'effacer mes clichés un par un pour remonter l'ensemble de mes photos... zouber!



Jeudi 31 Mars 2011:
Lever de bonne heure, Nayan charge un sac de riz sur son dos et on monte à la route où on attend en compagnie des gens qui habitent là que le bus passe et emporte le sac à son leadership puis on monte à la ferme juste au-dessus où un jeune est en train de remuer son champs à l'araire et il m'invite à prendre sa place. La première ligne est un peu laborieuse puis je comprends comment manier l'outil et ça marche plutôt bien, le plus délicat est de faire faire demi-tour aux bêtes mais elles sont relativement bien disciplinées et le travail se fait à leur rythme qu'il faut soutenir à coups de bâtons et de cris. Plus tard, j'ai droit à une leçon sur la culture du café puis le voisin nous fais signe de monter dans un champ au-dessus du sentier où un fermier commence tout juste à passer l'araire et je prends le relais. Cette fois j'ai bien choppé le coup de main et ça se fait nickel.


Une fois toute la terre remuée, je vais sur le versant d'en face avec les enfants pour avoir une vue d'ensemble du village en croisant l'incessant balais des femmes qui descendent des paniers de fertilisant dans les champs en contrebas.



Je passe voir les hommes occupés à faire du béton pour construire un contrefort à la maison de Harry qui se trouve très près de la piste qui vient d'être créée. Ils utilisent du gros gravier, mais je comprends mieux lorsque je vois un des gars s'agenouiller pour casser de la caillasse au marteau, c'est assez de boulot comme ça, on va pas chipoter.




Vendredi 1 Avril 2011:
P'tit déj' chapatis et chèvre, ça fait bizarre quand ça arrive alors que je viens d'ouvrir les yeux mais ça passe super bien. Je suis Nayan dans un champs en contrebas en faisant attention sur le sentier couvert de feuilles mortes très glissantes avec la rosée du matin et on y retrouve une femme déjà à l'ouvrage avec qui on ramasse le blé à la main en liant les épis en petits fagots puis il m'emmène balader dans le bas de la vallée où on traverse le lit à sec. On suit la canalisation d'irrigation qui longe le versant opposé jusqu'à ce que la vue s'élargisse et qu'on arrive sur de larges terrasses où ils cultivent du blé et du riz deux fois par an en alternance et on remonte en suivant une « piste » tracée par un tracteur dans le lit de la rivière asséchée après chaque mousson.



Samedi 2 Avril 2011:
Après avoir bu le thé je fais mon sac et me pose devant la maison en attendant Nayan Raj pour lui dire au revoir mais lorsqu'il arrive et que je lui répond que Bishnu ne vient pas me chercher et que je compte prendre un bus ou une jeep il attrape mon petit sac et me dit de le suivre en vitesse. Il marche très vite et je peine à le suivre sous mon gros sac dans la traversée du village très abrupte, effectivement ça ne fait pas deux minutes qu'on marche qu'un bus apparaît sur la piste tout en haut, bon ben c'est raté pour celui-là. On ralentit un peu le rythme et une fois arrivé à la piste on se cale en attendant le prochain véhicule. Un autre bus ne tarde pas trop à arriver, je le remercie grandement et on se dit adieu, ils sont vraiment adorables lui et sa femme. Je trouve une place et c'est partit: ça remue dans tous les sens et les dossiers n'étant pas fixés il n'y a rien pour se tenir, on fait quelques croisement difficiles dont un avec un bus auquel on fait passer des dalles de carrelage qui repartent donc dans l'autre sens... puis on finit par arriver à Belkot où je descend et retrouve mère qui a l'air contente de me revoir mais qui n'est visiblement pas de très bonne humeur. Je récupère ma chambre et redescend pour accompagner Milan à la source.



Il reste du maïs à égrainer, ce qui n'arrange pas l'état de mes mains en piteux état.


Je suis ensuite Milan et on apporte de l'eau au grand-père dans une cahutte en contrebas où il a des bêtes. On balade un peu, c'est pas toujours évident de comprendre ce qu'il me dit mais je comprends que quelqu'un est mort hier lorsqu'il fait semblant de se trancher la gorge avec une serpette.


Je rigole un peu avec deux jeunes qui prennent leur douche à grands coups de seaux d'eau et on finit par remonter en compagnie de quelques jeunes filles qui étaient descendues chercher de l'eau ou faire des lessives.




Je vais ensuite me promener en passant devant les boutiques du carrefour où je rigole à nouveau avec les femmes qui y bossent. J'ai pas fait un kilomètre que je me fait héler par un rassemblement dans un champs en contre-bas du chemin où un buffle calciné est en train de se faire trainer jusqu'au trou où il sera enterré, une grange vient de cramer.



Un des gamins me propose de le suivre chez lui et il me guide jusqu'à sa maison dans un village voisin où je rencontre ses parents et ses deux sœurs. La mère m'offre le thé et on papote un peu avec les voisins curieux qui se sont approchés.


Il commence à se faire tard, je prend le chemin du retour et je retrouve le docteur à l'auberge. Il me raconte qu'il s'est passé un drame hier: un gamin de 9 ans est tombé dans le broyeur, en une seconde c'était finit et il y avait des morceaux un peu partout. Il est allé sur place pour constater le décès et a été choqué par l'horrible spectacle, il n'y avait même plus de tête. Un sacré coup dur pour tout le village, ce qui explique l'étrange ambiance que j'ai trouvé en arrivant ce matin... pendant ce temps l'Inde remporte la coupe du monde de criquet face au Sri Lanka.


Dimanche 3 Avril 2011:
Milan insiste pour que je reste un jour de plus mais je fais mes adieux et monte dans le bus avec mon bardas. Le bus se retrouve bientôt plein et je me tasse sur la banquette arrière pour libérer de la place mais on embarque encore du monde et on se retrouve à sept au fond avec l'allée remplie de passagers debout. Le trajet est bien laborieux dans ce vieux bus tout déglingué sur la piste qui n'en mène pas large et c'est le cas de le dire. En plus des croisements compliqués on fait un magnifique demi-tour pour bifurquer sur une piste qui part en sens opposé le long de celle par laquelle on est arrivé et on continue cahin-caha dans un festival de grincements de freins. Ce qui devais arriver arriva et nous voilà baigné par un doux parfum de vomis, chouette, j'ai les genoux en compote à force de cogner sur la barre métallique du siège de devant qui est très serré et un peu avant d'arriver à Ridi c'est au tour de ma voisine de remplir sa poche plastique. Je descend pour y passer l'après-midi et me retrouve sur une place pourrave où je me pose dans une guinguette pour prendre le p'tit déj' car l'heure bien avancée fais que j'ai la méga dalle malgré ce trajet tumultueux: friture party à coup de samosas et autre pâtes cuites dans l'huile. Je teste des galettes marrons appétissantes qui se révèlent être super écœurantes tellement c'est sucré et dont le goût ne m'est pas inconnu mais pas moyen de trouver de quoi il s'agit. A première vue ce petit village paraît bien à l'arrache mais a quand même un certain charme.


Je laisse mon sac au resto', traverse la rivière et me dirige vers un groupement de cahutes en bambous au bord de l'eau où je me fais encercler par un groupe de gamins ravis de se faire prendre en photo et qui s'amuse à prendre des poses assez caricaturales. Je me débarrasse de mes galettes pour le plus grand plaisir des enfants dont le plus âgé se charge de faire le partage entre chacun d'eux.


Ils me guident au temple de Rishikesh où quelques sadhus vivent là dont un qui marche sur le dessus de ses pieds pour avoir gardé la position en tailleur trop longtemps. Après un bon bain dans la rivière je continue ma promenade et je suis invité à manger par un groupe de gens en train de cuisiner pour célébrer la mort de quelqu'un. Ils sont à la fois surpris et ravis que je parle un peu de népalais et on sympathise rapidement, une jeune fille me chahute un peu en me faisant du rentre dedans assez comique. Un enfant m'invite chez lui pour fêter son anniversaire dans une grande maison en béton où je rencontre sa mère, sa grand-mère et ses sœurs. Il a 9 ans et me demande un cadeau en retour du goûter qu'il m'offre, je lui file ma dernière galette de sucre en barre et c'est pas peu dire puisqu'il s'agit d'une pâte de sucre de canne. Saroj me propose d'aller à son village, j'accepte en pensant qu'on irait toute la bande mais je me retrouve juste avec lui ainsi que son grand frère et sa femme à remonter la rivière, la traverser sur un immense pont suspendu haut perché et à continuer de l'autre côté, en fait le village se trouve à trois heures de marche dans les hautes collines et je n'ai que mes claquettes aux pieds... Un peu avant d'arriver on fait une pause à un temple calé sur une avancée au milieu de la vallée et les deux frangins me demandent de les prendre en photo pendant qu'ils prennent des poses de beaux gosses.



On reprend l'ascension jusqu'à arriver à leur maison où je rencontre leur mère qui revient de je ne sais où avec le nouveau né, fils de Dilson et Rabina qui la pauvre n'a pas le temps d'arriver qu'elle se met aussitôt au travail tandis qu'on va rejoindre les jeunes du village au terrain de volley.


Ya du niveau, c'est impressionnant de les voir jouer et leur taille en général pas très élevée ne les gêne pas pour envoyer des grosses patates par dessus le filet. Ils m'invitent à jouer mais je n'en mène pas large et ne reste pas longtemps sur le terrain. Le soir je rencontre le père qui est à la retraite après avoir passé sa vie au service de l'armée indienne. Rabina a fort à faire étant la seule fille de la maison pour faire toutes les tâches ménagères et les gars ne la ménagent pas... je la plein mais que faire. C'est vraiment spécial cette relation de couple où aucun amour ne transparaît mais ils s'accommodent l'un de l'autre pour vivre ensemble. Le soir je partage le lit de Saroj.


Lundi 4 Avril 2011:
On monte jusqu'à atteindre la crête qu'on longe sous la chaleur accablante du soleil. On fait des pauses ici et là au fil des rencontres avec ses amis ou des gens qui ne font que passer par là comme ce gars qui débarque en treillis militaire avec une serviette de plage Spunge Bob, cherchez l'erreur... Il fait chaud et soif mais on avance et on finit par arriver au Alam Debi Mendhir, le but de notre balade toujours en claquettes. J'y assiste au cérémoniel de deux jeunes qui commencent par faire le tour du temple en faisant sonner toutes les cloches à l'extérieur de l'enceinte, puis celles à l'intérieur avant d'entrer dans le temple où ils font leur offrandes de fleurs et d'argent puis préparent le tika qu'ils se font mutuellement. Il se mettent ensuite à genoux pour prier sans pour autant enlever les lunettes de soleil et finissent en se prenant en photo avec leurs téléphones portables.


D'autres doivent venir y faire des sacrifices vu les deux têtes de poules qui traînent au dessus d'un énorme kukri et une énorme tâche de sang séché sur un côté du temple.


On entame le chemin du retour et j'essaie de lui toucher un mot d'écologie alors qu'il jette un emballage par terre mais il n'a pas vraiment l'air de percuter...


Mardi 5 Avril 2011:
On mange les restes de porc pour le p'tit déj' puis on traîne devant la maison jusqu'à ce qu'on fasse la photo de famille et c'est l'heure des adieux: je redescend à Ridi avec Saroj.


On fait une courte pause dans une maison où je mate un passage de Die Hard 4 en indi non sous-titré, de la grosse balle... On retrouve ensuite le gars bien cool d'il y a deux jours dans son restaurant où on passe un moment à plaisanter  puis on saute dans un bus qui passe juste devant mais Saroj a oublié son portable et il fait demi-tour tandis que je finis le trajet tranquilou à travers le bazar. On se retrouve au bus park où je récupère mon sac resté à la gargote, la pause aura durée un peu plus d'une après-midi... et on prend le bus en direction de Tanzen. Saroj continue jusqu'à Butwal où il va retrouver des budys tandis que je débarque dans cette petite ville moyenâgeuses qui est un vrai labyrinthe. Je visite un peu puis monte dans les bois qui surplombent la ville et j'y rencontre un gars qui fait son jogging mais s'arrête pour discuter et m'invite chez lui pour m'offrir le thé. Il s'appelle Ruk, je peux loger chez lui: « home stay » et on peut aller rendre visite à ses parents dans son village natal à une petite journée de marche.


Mercredi 6 Avril 2011:
Je m'échappe de la ville en longeant une piste puis descend par des petits chemins qui serpentent de fermes en fermes jusqu'à Ghorbanda, soit-disant un village de potiers mais à part les briques de terre sèche, je ne vois aucune poterie. Je m'aventure dans le bas du village et croise un gars qui accompagne un voyage d'enfants handicapés puis je tombe sur trois adultes débiles qui insistent pour que je les prennent en photo. Un gars est assis à l'ombre d'une maison et semble tout abrutit, les enfants qui jouent dans le coin son vêtus de haillons crasseux, c'est une sacrée misère. Un peu plus bas j'aperçois un convois d'une quinzaine de femmes chargées de fertilisant qui vont l'épandre dans un champs puis en poussant un peu plus loin, je me fais héler par des jeunes filles qui me disent de venir m'asseoir à l'ombre. Elles m'offrent un verre d'eau, on papote un peu, elles sont surprises par l'état de mes mains pleines d'ampoules puis après quelques chansons elles m'initient à la cuisine de chapatis, c'est pas évident avec leur ustensiles d'arriver à faire de belles galettes fines et bien rondes. La plus âgée m'invite ensuite à la suivre et on remonte au village par les sous-bois de pins bien pentus avec un drôle de cortège qu'on abandonne à la première maison et on continue jusqu'à la sienne où je passe l'après-midi avec ses deux enfants dont l'aînée Isha qui a 9 ans parle très bien anglais. J'aide le grand-père à fendre un peu de bois puis je les quitte et retourne à patte jusqu'à la maison de Ruk avec qui on va faire un tour pour voir le coucher du soleil. On rencontre quatre gars qui sont sur le chemin du retour vers leurs hautes montagnes à encore quelques semaines de voyage avec leurs 50 chevaux puis on rentre chez lui pour un dhaal-bhaat en famille.


Jeudi 7 Avril 2011:
On prend le chemin de son village en descendant dans la jolie vallée qui s'étend derrière Tansen par un petit chemin qui traverse de beaux paysages jusqu'à arriver à Ranighat au croisement de deux rivières. Il s'agit d'un palais de style baroque qu'un ancien roi du Népal avait fais construire pour que sa femme mourante y passe ses derniers jours et qui n'a pas été beaucoup habité depuis, se retrouvant donc dans un état d'abandon charmant. On se fais un en-cas dans une maison non-loin de là où une maison crache du boum-boum à pleine puissance puis on va se baigner et faire la toilette dans la rivière avant de reprendre la route dans la chaleur de la mi-journée. En arrivant je rencontre sa mère puis on va se promener dans les environs, passant de maison en maison pour rendre visite à ses amis. Le soir on discute un peu de la situation du Népal et de toutes ses difficultés, il ne comprend pas que le communisme puisse se développer dans son pays et est dépité par les politicards tous aussi corrompus les uns que les autres qui ne pensent qu'à leur propre profit quitte à faire des choses encensées.


Vendredi 8 Avril 2011:
On attaque le chemin du retour en montant tout droit dans les collines au-dessus au travers de nouveaux paysages de toute beauté et en faisant quelques rencontres sympathiques. Un peu avant d'arriver on croise deux jeunes et une énorme chèvre encore vivante mais probablement plus pour très longtemps, tous les trois sur une moto. Je descend en ville me promener jusqu'au terrain de jeu où je me pose quelques minutes et me fais accoster par Tej, un jeune népalais qui se promène avec ses potes et me dit de les suivre lorsque je lui répond dans sa langue. On fait le tour du terrain puis il m'amène chez lui et me dit que je peux rester là. J'appelle Suman qui vient à Pokara pour le jour de l'an, du coup je ne suis pas plus pressé que ça et je change mes plans. Il m'accompagne chez Ruk à qui je fais mes adieux  et je m'installe dans sa petite piaule bien équipée avec un pc et une chaine hi-fi. Le soir je joue « Resam Firiri » à lui, ses potes et ses frères et sœur puis je rejoue dans la rue pour ses parents et ses voisins. On se pieute dans son petit lit deux places en matant des vidéos dont une sympa d'un festival dans son village.


Samedi 9 Avril 2011:
Au réveil après un câlin qui me met un peu mal à l'aise, décidément c'est pas évident de s'habituer à ses contacts si naturels, on retrouve directement ses potes dans une petite maison qui sert de local à billard et on fait une partie de snooker avant de se rendre chez d'autres potes pour le thé. On discute pas mal de tout et de rien, ils me posent beaucoup de questions sur la France, ma vie et la vision que j'en ai et me disent à quel point je suis chanceux. Je suis son ami, Michael de son surnom car il est fan de Jackson, de catch et de body-building, qui m’amène dans sa superbe maison où sa mère nous sert un dhaal-bhaat sur une belle table avec des chaises dans une salle-à-manger à l'occidentale, ça fait bizarre! Je retrouve ensuite Tej et alors que les autres vont jouer au criquet au terrain on prend le bus avec d'autres budys pour aller visiter un temple assez trippé avec le trident le plus gros de toute l'Asie soit-disant. On y fait sonner les cloches devant l'autel à sacrifices où un espèce de prêtre me fait un tika et m'offre un bout de pain de maïs, puis on monte sur la terrasse et là un gars me donne une poche avec plein d'autres pains, une noix de coco, des bonbons, du pigment et des rubans qu'on se noue autour du cou. On descend à un temple de Shiva un peu plus bas puis on va boire un coup au bled d'à côté en compagnie d'une femme un peu âgée qui nous chante des chansons. On finit par remonter dans le bus et par la fenêtre je lui chante « Saile Ramaile » alors qu'elle m'offre une poignée de ses fruits qu'elle vend au passants et aux passagers du bus. De retour à Tansen on monte chez lui où on s'échange des cds de musique et lorsqu'il veut récupérer les photos de la journée que j'ai prise, la carte mémoire est illisible, « Oh ben non, pas les photos, oh, c'est trop bête... », en même temps ça faisait quelques jours que l'appareil buggait, une révision s'impose.


Dimanche 10 Avril 2011:
Lever à 5h30, on saute sur sa bécane et il m'apporte à la gare des bus où j'embarque pour un long trajet qui remue sévère et fais vomir la fille à côté de moi puis un jeune garçon qui m'en met la moitié dessus au passage. On finit quand même par arriver et je prend un taxi pour traverser la ville puis Lake Side qui est envahi par les touristes, c'est le choc! Je me pose au resto où Nina passe me dire bonjour puis Titouan arrive et on se raconte nos aventures respectives. Il n'est resté que quelques jours dans sa ferme mais il a quand même eu le temps d'y faire un nouveau graphe et a passé un peu de temps avec deux gros pochard qui se la collent sévère au raksi dès le matin jusqu'à s'effondrer dans un bas-côté et se chier dessus... Ça fait déjà une semaine qu'il est là à peindre à droite à gauche.



Je me rend compte à quel point j'avais déconnecté et le fait de passer une soirée entre occidentaux me remet à ma place, ça fait quand même du bien même si c'est pas facile et je prend du recul sur mes plans pour m'installer ici.


Mercredi 13 Avril 2011:
On passe la journée à attendre au resto', il pleut gavé, changement de plan, en fin d'aprèm on s'entasse dans une jeep et on sort de Pokara en passant au resto du frangin puis on entame l'ascension jusqu'à un temple de Shiva au sommet d'une colline face aux immenses montagnes des Annarpunas. On y établit le campement, petite mission bois, et c'est partit pour un festival de bouffe: nouilles, dhaal-bhaat, bonbons... Khalu nous présente le programme de la journée de demain: Morning, breakfast, good walk, sleep: BONNE ANNEE !!!



Jeudi 14 Avril 2011:
Lever de soleil magnifique sur les montagnes mais aussi sur le village. Kalu dors jusqu'à pas d'heure et on passe la journée tranquilou à l'ombre ;)





Mardi 19 Avril 2011:
Je vais une dernière fois chez Sarita avec Totofu qui est ravi de les rencontrer surtout lorsque Puja lui montre ses dessins. On rigole bien, goûter, chansons et danses et on se retrouve à la bourre pour retrouver Suman qui est arrivé avec Bijey et Ralf. Il nous emmène chez ses parents où on prend le dhaal-bhaat en famille puis on va célébrer la dernière nuit de Titouan au Reggae Bar.



Mercredi 20 Avril 2011:
Titouan s'en va de très bonne heure, je traine un peu puis dis au revoir à Bijey et galère un bon moment pour trouver un bus pour Kirtipur où je repasse voir un peu tout le monde et distribuer quelques photos que j'ai faites imprimer. Je rentre à Kathmandu à la tombée de la nuit où je retrouve Suman, Ralf et une pote de Goa pour passer la soirée dans une échoppe de Freak Street.


Jeudi 21 Avril 2011:
Les deux coyotes prennent l'avion de bon matin pour Lukla d'où ils vont faire deux semaines de trek jusqu'au camp de base de l'Everest. Je traîne tout en faisant mes derniers préparatifs et vais rendre visite à Krishna. Le soir je passe la soirée avec des jeun's rencontré un peu plus tôt et comme il n'est pas tard lorsqu'on se sépare, je décide par curiosité d'aller voir à quoi ressemblent ces « Dance Bars ». Je me dirige vers celui juste à côté de l'hôtel et tombe sur un flic au croisement avec la sombre ruelle qui me demande « Dance? », je lui répond que je veux jeter un coup d'oeil et il me guide dans ce coupe-gorge lugubre bordé de tous côtés par des recoins obscurs jusqu'à un escalier qui monte dans un bâtiment. Au premier je tombe sur trois filles pas très attirantes habillées en putains qui m'invitent à entrer dans la salle sombre et crado dans laquelle deux autres filles sont en train de se déhancher sur une pauvre scène au rythme d'une techno assourdissante. C'est super sordide et alors que je m'apprête à faire demi-tour sans même être entré, une nouvelle fille sublime mais aussi habillée en putain avec une épaisse couche de merde sur la face pour paraître plus blanche se met dans l'encadrement de la porte et m'invite à prendre place à une table. Je refuse son invitation mais elle insiste: « Kina? ». Que répondre? Je rentre à la chambre un peu en état de choc, les pauvres filles, j'étais loin d'imaginer que c'était aussi glauque, en tout cas ça n'a pas grand chose à voir avec les pancartes placées dans la rue qui présente la chose dans un style de spectacle de french-can-can ; alors c'est aussi ça le Népal, ben c'est pas joli-joli...


Vendredi 22 Avril 2011:
Dernière balade dans les ruelles de Kathmandu, je vais dire au revoir à Krishna et passe voir Suresh  pour qu'il me donne un t-shirt à offrir à son frangin en Nouvelle-Zélande.









Je file ensuite à l'hôtel où le taxi m'attend déjà et m'apporte à l'aéroport.